Depuis quelques années, les embellies boursières ont généralement pris fin brusquement, le plus souvent durant l'été, alors que la crise financière et les craintes de l'éclatement de l'euro menaçaient l'économie mondiale.

Et encore cet été, on sent cette épée de Damoclès qui plane sur les marchés boursiers, alors que plusieurs banques centrales donnent l'impression de jouer leurs dernières cartes, tentant désespérément d'éviter le pire.

Après que la Réserve fédérale (Fed) eut marqué le pas la semaine dernière en prolongeant l'Opération Twist jusqu'à la fin de l'année et en y ajoutant 267 milliards, les banques centrales européenne, anglaise et chinoise passaient aussi à l'action hier.

Comme prévu, la banque centrale européenne (BCE) abaissait son taux directeur de 0,25% pour l'amener à 0,75%. C'est la première fois depuis sa création que la BCE ramène son taux en bas de 1%.

Elle a aussi annoncé, ce qui en a surpris plusieurs, qu'elle réduisait à zéro le taux qu'elle versera aux banques sur leurs dépôts à la banque centrale. Par cette mesure, la BCE espère inciter les banques à utiliser leurs liquidités pour consentir de nouveaux prêts ou acheter des titres financiers plutôt que de laisser l'argent dormir à la banque centrale.

La Banque d'Angleterre (BoE), pour sa part, n'a pas touché à son taux directeur qui demeure à 0,5%. Mais elle a annoncé qu'elle poursuivrait son programme d'assouplissement quantitatif.

Au cours des quatre prochains mois, elle achètera pour 50 milliards de livres sterling d'actifs financiers. Ce programme atteindra alors 375 milliards de livres.

La décision de la BoE n'est pas une surprise. «La pression sur les dirigeants de la BoE avait augmenté depuis le début du mois de mai alors que la situation en zone euro s'est aggravée et que l'économie britannique, de retour en récession, a montré peu de signes d'amélioration», explique Hendrix Vachon, économiste principal chez Desjardins.

La véritable surprise a été l'annonce d'une deuxième baisse de taux d'intérêt en deux mois par la Banque populaire de Chine, la banque centrale chinoise. Le taux des prêts passe à 6%, en baisse de 0,31%, et celui des dépôts à 3%, en diminution de 0.25%. Là aussi, on tente de donner un nouveau souffle à l'économie.

Ces mesures auront un effet expansionniste sur l'économie mondiale et pourraient raviver l'optimisme des investisseurs, souligne M. Hendrix.

Stratèges boursiers inquiets

Mais toutes ces mesures n'envoient-elles pas aussi le message que l'économie mondiale est peut-être plus mal en point qu'attendu? Ce qui est très inquiétant en effet, c'est que les économies partout dans le monde sont de plus en plus faibles, et que les actions des banques centrales, comme la morphine chez les grands malades, ont de moins en moins d'effet, explique Jean-René Adam, stratège chez Hexavest.

«Les taux d'intérêt sont déjà tellement bas, que les baisser encore n'a que très peu d'impact», dit-il. Les annonces des banques centrales ravivent les espoirs de certains, ce qui permet le rallye boursier actuel. Mais les Bourses demeureront très vulnérables durant tout l'été, croit le stratège.

La décision de la BCE de fixer son taux sur les dépôts à 0% est lourde de sens, croit François Dupuis, économiste en chef et stratège chez Desjardins. «C'est comme si l'on était prêt à tout», dit-il. «Ce à quoi on assiste n'est plus de la méfiance, mais une perte de confiance totale», ajoute-t-il.

Comme la crise est structurelle et non pas conjoncturelle, elle ne peut pas être réglée rapidement, explique l'économiste. «Les actions que prennent les banques centrales actuellement n'y changent rien, surtout que les gens s'y sont habités», dit-il.

Ajouter à cela que l'on traverse une période qui pourrait être de plus en plus difficile compte tenu que l'économie américaine commence vraiment à faiblir, et tous les ingrédients sont réunis pour que les prochains mois ne soient pas de tout repos sur les marchés, croit le stratège de Desjardins.