Le chantier maritime Davie obtient une nouvelle part du gâteau des contrats fédéraux, alors qu'il ne compte plus que 250 travailleurs.

« C'est enfin la stabilité », a réagi le porte-parole de l'entreprise, Frédérik Boisvert.

Ottawa a confirmé jeudi matin son intention d'octroyer à trois chantiers maritimes canadiens des contrats d'entretien de frégates valant en tout 7 milliards. Davie se retrouverait ainsi responsable de l'entretien de trois ou quatre frégates.

« C'est un contrat qui est majeur, s'est réjoui le député libéral de la région de Québec Joël Lightbound. Le plus grand contrat de l'histoire du chantier Davie de la part du fédéral. »

Services publics et Approvisionnement Canada a émis, au nom du ministère de la Défense nationale, des préavis d'adjudication de contrats pour l'entretien des 12 frégates de la classe Halifax du Canada à Irving Shipyards, d'Halifax, en Nouvelle Écosse, à Chantier Davie Canada, de Lévis, au Québec, et à Seaspan Victoria Shipyards, de Victoria, en Colombie-Britannique.

D'autres fournisseurs ont 15 jours pour se manifester, mais il n'y aurait pas d'autres chantiers au pays capables de répondre aux exigences du contrat.

Le gouvernement explique que les 12 frégates de la classe Halifax pourront ainsi continuer de faire l'objet de travaux d'entretien et d'ingénierie jusqu'à la livraison des navires de combat canadiens. Le travail commencerait toutefois seulement en 2021.

« On ne doit pas nier quand même le défi qui va nous mener en 2021 parce qu'au niveau du contingent de la main-d'oeuvre, ça va être dur à maintenir en raison du faible volume de contrats qu'on a », a expliqué M. Boisvert.

Le chantier, qui compte actuellement 250 employés, risque de tomber à 50 en 2019. Il en comptait 1500 lors de la conversion du navire de ravitaillement Astérix en 2017.

Il aurait voulu convertir un deuxième porte-conteneurs en navire de ravitaillement, l'Obélix, mais le gouvernement avait fermé la porte il y a près d'un an.

« Qu'est-ce qu'ils vont faire les travailleurs de la Davie pour les trois prochaines années ? a demandé le chef intérimaire du Bloc québécois, Mario Beaulieu. Est-ce qu'en 2021 il va encore y avoir un chantier ? Alors, ça prend des contrats, ça prend quelque chose entre les deux. »

« C'est bien des réfections, puis des rénovations, mais il y a de l'espace, il y a du temps et il y a des travailleurs qui sont prêts à faire plus que ça, puis à bâtir des navires », a souligné le député néo-démocrate Alexandre Boulerice.

Tout en saluant l'efficacité du chantier Davie, le premier ministre Justin Trudeau a laissé entendre en point de presse, jeudi, que d'autres contrats sont à venir.

« Nous avons une vision d'investir encore plus dans les projets (de la) marine au Canada, a-t-il dit depuis la ville de Churchill au Manitoba. [...] Nous allons continuer de travailler avec tous les endroits au Canada qui peuvent participer pour créer de bons emplois et de bons navires pour les Canadiens. »

Le chef conservateur Andrew Scheer a été beaucoup plus précis dans un discours livré devant la Chambre de commerce de Lévis jeudi midi. Il a promis d'octroyer « très rapidement » le contrat de l'Obélix à Davie s'il formait un gouvernement en 2019. Il s'est rendu sur le chantier pour rencontrer la direction, le syndicat et les travailleurs.

Plus tôt dans la journée, M. Scheer avait a dit voir de la partisanerie dans le moment choisi par le gouvernement Trudeau pour rendre publique la nouvelle de l'entretien des frégates.

« C'est intéressant que le premier ministre ait choisi aujourd'hui pour faire l'annonce après que je visite Québec aujourd'hui (sic) », a-t-il constaté.

« C'est une annonce pour 2021. Il y a un besoin aujourd'hui », a-t-il ajouté en dénonçant le fait qu'Ottawa ait mis des mois avant de bouger.

M. Lightbound a rappelé « l'injustice conservatrice » dont le chantier Davie a fait les frais en étant exclu de la Stratégie nationale de construction navale par le gouvernement de Stephen Harper.

« J'invite (les gens) à prendre avec un gros grain de sel ce que M. Scheer peut dire aujourd'hui », a-t-il dit.

Lasse de voir les politiciens se renvoyer la balle et faire des promesses, la présidente régionale pour la CSN, Ann Gingras, espère qu'ils corrigeront réellement l'iniquité dans la stratégie navale pour que Davie redevienne un joueur important.

« Peut-être que le gouvernement conservateur a fait une erreur en 2010 en nommant deux chantiers dans la politique nationale, mais c'est sous le gouvernement Trudeau qu'on va voir mourir le chantier parce qu'on va être incapable d'avoir la main-d'oeuvre qualifiée pour faire les contrats en 2021. »

La Marine royale canadienne (MRC) possède 12 frégates de la classe Halifax. Sept d'entre elles sont stationnées à Halifax et les cinq autres à Esquimalt, en Colombie-Britannique. Davie et Irving se partageront en alternance l'entretien des sept frégates de l'Atlantique.

La Marine exige qu'au moins huit des 12 frégates puissent être déployées en tout temps pour qu'elle puisse honorer ses engagements envers le gouvernement du Canada.