Le Québec et la Californie tiendront mercredi la première vente aux enchères de l'année dans le cadre de leur marché commun du carbone. L'exercice devrait générer plus de 200 millions de dollars de revenus, qui iront garnir les coffres du Fonds vert. Voici comment fonctionne le marché du carbone.

Plafonner et tarifer le carbone

Le fonctionnement du marché du carbone est complexe, mais son principe de base est simple : le gouvernement établit une limite maximale d'émissions de gaz à effet de serre (GES) au-delà de laquelle les émetteurs doivent acheter des « droits d'émission ». Ceux qui ne dépassent pas ce plafond peuvent vendre leurs droits non utilisés. Le marché québécois du carbone est donc un « système de plafonnement et d'échange de droits d'émission » (SPEDE). Dans ce système, chaque tonne de GES émise dans l'atmosphère correspond à une « unité d'émission ». Il y a quatre ventes aux enchères par année. Le gouvernement accorde gratuitement un certain nombre d'unités d'émission afin d'éviter la délocalisation d'entreprises vers des États qui ne tarifent pas le carbone, un phénomène baptisé « fuites du carbone ». Le plafond d'émissions diminue chaque année.

Plus de 100 participants

Deux grandes catégories d'émetteurs participent au marché du carbone : les entreprises émettant annuellement plus de 25 000 tonnes de GES, comme les alumineries, les cimenteries et les producteurs d'électricité, ainsi que les distributeurs de combustibles fossiles, comme l'essence, le gaz ou le mazout, à qui incombe la responsabilité des émissions générées par leurs produits. Depuis l'an dernier, des entreprises, organisations ou même des personnes émettant moins de 25 000 tonnes de GES peuvent demander à intégrer le marché, sous certaines conditions. C'est notamment le cas de la coopérative laitière Agropur, qui est ainsi l'un des 118 participants au marché québécois. Mis sur pied en 2013, le SPEDE du Québec est lié à celui de la Californie depuis 2014 dans le cadre de la Western Climate Initiative. L'Ontario s'y était joint l'an dernier, avant de s'en retirer après l'élection du conservateur Doug Ford.

2,8 milliards

Le Québec verse les revenus qu'il tire du marché du carbone au Fonds vert, qui doit servir à financer des initiatives visant à réduire les émissions de GES du Québec et à favoriser l'adaptation aux impacts des changements climatiques. Ce sont ainsi 2,8 milliards de dollars qui ont été recueillis depuis la création du marché commun avec la Californie. La dernière vente aux enchères, en novembre, avait généré des revenus de 224 millions de dollars, ce qui la place au deuxième rang des plus lucratives après celle de novembre 2017, où le montant des ventes avait atteint 233 millions de dollars. Le prix minimal pour la vente de mercredi a été fixé à 15,31 $ par unité d'émission, donc par tonne de GES. En novembre dernier, le prix de vente moyen avait atteint 21,21 $ l'unité.

Un « effet certain »

Le marché du carbone « a un effet certain », estime Patrick Bonin, responsable de la campagne climat-énergie de Greenpeace Canada, qui se réjouit que le Québec ait choisi de mettre « pas juste un prix, mais aussi un plafond » sur le carbone. Il estime par contre que le système « pourrait clairement être plus efficace », notamment en accordant moins de droits d'émission gratuits et en augmentant le prix de la tonne de GES. « Le gouvernement fédéral va en arriver à 50 $ la tonne en 2023 [et] Environnement Canada calcule déjà que le coût social du carbone est autour de 45 $ la tonne », compare-t-il. Patrick Bonin appelle également le gouvernement à démontrer, « études à l'appui », l'efficacité de son système, ce qu'il n'est « pas en mesure de faire » à l'heure actuelle.

Québec satisfait

Malgré une demande d'entrevue faite lundi dernier, le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques n'a pas accordé d'entrevue à La Presse, affirmant « ne pas avoir de porte-parole de disponible », a indiqué par courriel un porte-parole, Clément Falardeau. Ce dernier a cependant écrit que le marché du carbone « fonctionne bien et remplit son rôle », en voulant pour preuve le fait que « 100 % des émetteurs visés se sont conformés aux exigences prévues ».