Tous les vendredis, une personne de la communauté des affaires se dévoilera dans notre section. Cette semaine, l’ex-cheffe du Parti libéral du Québec Dominique Anglade, aujourd’hui professeure associée, transition durable, à HEC Montréal, répond à nos questions.

Quel conseil donneriez-vous à la version plus jeune de vous-même ?

Prends tous les risques que tu peux. Essaie plein de choses. Implique-toi, rejoins des organisations. Tu vas trouver des choses que tu aimes ou pas, dans lesquelles tu es bonne ou pas. Tu vas développer cette capacité à prendre des risques. Cette capacité est hyperimportante. Elle te permettra de t’accomplir, d’aller au bout de toi-même, de développer la résilience. C’est le temps de faire ça à 20 ans, quand tu es jeune.

Avez-vous des regrets, du point de vue professionnel ?

Je ne suis pas une personne avec des regrets dans la vie. Je cherche constamment à m’améliorer, je donne le maximum, et une fois fait, je ne regrette pas. J’ai été sept ans en politique, j’ai été députée, ministre, vice-première ministre, cheffe de parti et j’ai eu trois enfants... Après sept ans, c’était peut-être le moment de se retirer et de faire autre chose. Je suis contente de ce que j’ai fait.

Finie la politique ?

Ce n’est pas dans mes plans aujourd’hui, mais l’avenir est long et je ne peux prévoir l’avenir. J’ai des ados, j’ai un plaisir fou à passer du temps avec ma famille dans une période importante pour eux. Et HEC Montréal me plaît beaucoup.

Quel conseil êtes-vous heureuse d’avoir ignoré ?

Des gens qui me disaient de ne pas trop pousser la machine, dans le milieu des affaires. Moi, j’aime ça pousser. Parfois, des gens demandent de ralentir, mais je n’ai pas écouté ces conseils. Et je ne l’ai jamais regretté.

Qui admirez-vous dans le monde des affaires ?

Jacques Ménard (Banque de Montréal), décédé, et Madeleine Féquière (consule générale du Canada aux États-Unis). Ce sont deux personnes qui foncièrement aiment (ou aimaient) la génération qui suit. Qui ont cette capacité de donner des ailes à la génération suivante. Autre personne : l’ex-présidente de Home Depot au Canada, Annette Verschuren. Elle est une leader remarquable, très inclusive, entrepreneuriale.

Un bon patron, c’est quelqu’un qui… ?

Fondamentalement, un bon patron, c’est quelqu’un qui est capable de te pousser à aller au-delà de toi-même, de te dépasser, qui voit des choses en toi que toi-même n’es pas capable de voir. Ça ne veut pas dire de te pousser pour travailler 90 heures par semaine. C’est plutôt de voir ton potentiel et de te donner les outils pour atteindre ce potentiel.

Que faites-vous quand vous avez besoin de trouver une idée ?

J’ai plein d’idées, alors je n’ai pas besoin d’un truc pour avoir des idées. Quand je pars en voyage, les gens disent : ah non, elle va revenir avec un paquet d’idées (rires)...

Quels livres ou films avez-vous l’habitude de recommander ?

Pas de films, mais des livres. L’écrivain Amin Maalouf, que j’ai eu la chance de rencontrer. Des romans de Marie Laberge. Et un livre incontournable : Mémoires d’Hadrien, de Marguerite Yourcenar [le livre porte sur l’art de gouverner par la modération et le pacifisme, entre autres].

Votre meilleur investissement ?

Si c’est investissement dans le sens d’argent, j’ai commencé à mettre de l’argent de côté à ma toute première paye. J’ai toujours maximisé mes REER et quatre ans après avoir commencé à travailler, à 26 ans, j’achetais mon premier condo. Et quatre ans plus tard, j’ai réhypothéqué le condo pour acheter une maison, que je n’ai jamais revendue. Et quatre ans plus tard, j’ai tout réhypothéqué pour acheter une autre maison...

Quelle est votre plus belle erreur ?

C’est une erreur personnelle. Il y a 25 ans, je suis partie à Vancouver pour voir une amie qui faisait son doctorat. J’ai rencontré un gars super intéressant dans un party d’Halloween, mais je ne lui avais pas vu la face, car il était déguisé. On n’a fait que jaser. Il m’a réécrit peu de temps après par courriel pour me dire qu’il voulait me revoir, qu’on allait se marier et avoir des enfants. Je me suis dit : c’est un fou furieux, je ne savais pas de quoi il avait l’air ! Trois semaines plus tard, je suis tout de même retournée pour le voir et je me suis dit en descendant de l’avion : quelle erreur, c’est peut-être un tueur en série ! Je l’ai vu, je l’ai embrassé et nous sommes encore ensemble 25 ans plus tard !

Qui est Dominique Anglade ?

Dominique Anglade est professeure associée et co-leader, direction de la transition durable, de HEC Montréal.

Elle fut chef du Parti libéral du Québec de mai 2020 à novembre 2022, et vice-première ministre du Québec d'octobre 2017 à août 2018, sous le gouvernement libéral de Philippe Couillard. Elle s’est surtout fait connaître durant cette dernière période comme ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation.

Dominique Anglade est née en 1974 à Montréal et est diplômée de Polytechnique Montréal. Elle a notamment travaillé comme PDG de Montréal International et pour le compte de la firme de consultation McKinsey & Company. Elle est la mère de trois adolescents.