« Le centre-ville est complètement désert. Il n’y a pas de spectacles, pas de touristes, pas d’étudiants », souligne Geneviève Touchette, directrice générale du Central, qui craint que les aires de restauration comme la sienne comptent parmi « les oubliés » de cette crise.

« J’ai un peu peur, admet-elle. On attend [des nouvelles du gouvernement]. C’est un modèle qui est basé sur du volume. On a de grandes tablées. » Elle se demande quelles seront les règles sanitaires à suivre. Elle souligne notamment que le concept rend difficile le nettoyage systématique des tables entre chaque client.

Depuis l’an dernier, trois projets d’aire de restauration ont vu le jour au centre-ville de Montréal : Le Central, Le Cathcart et le Time Out Market. Or, actuellement, les tours de bureaux sont presque vides et les touristes se font plutôt rares dans les rues de la métropole.

Dans ces conditions, Le Central, qui compte plus d’une vingtaine de comptoirs de restaurants, pourrait bien attendre avant d’accueillir à nouveau des clients, même lorsque le gouvernement donnera son feu vert, dit Mme Touchette.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Geneviève Touchette, directrice générale du Central

Si on voit que dans le centre-ville, il n’y a pas plus de gens, ça se pourrait qu’on attende.

Geneviève Touchette, directrice générale du Central, au sujet de la réouverture de l’endroit

Fin des commandes à emporter au Central

D’ailleurs, la direction du Central, qui permettait aux restaurateurs d’ouvrir leur comptoir pour des commandes à emporter, a décidé de mettre fin à cette pratique à partir du 15 juin. « On va attendre de voir ce qui se passera. On va attendre les directives. »

Ce ne sont d’ailleurs pas tous les locataires qui s’étaient lancés dans la préparation de mets à emporter. Le Super Qualité, snack-bar indien qui a un comptoir au Central et qui a également pignon sur rue dans le quartier Rosemont, a tenté le coup pendant trois semaines. L’expérience des commandes à emporter au centre-ville n’a pas été un succès, confirme Guillaume Lozeau, copropriétaire du restaurant. « Ce n’était pas vraiment occupé, admet-il. Il y avait trop peu de ventes. En fait, c’était dix fois moins occupé que dans l’autre restaurant [à Rosemont]. »

Guillaume Lozeau ne cache pas son inquiétude face à la situation du Central. « Cet été, l’automne prochain, ça va être tranquille », reconnaît-il.

Son équipe et lui ont beaucoup investi dans l’aménagement de leur comptoir au centre-ville : achat d’une nouvelle hotte, installation d’une chambre froide au sous-sol. « On l’a fait en pensant que tout allait bien fonctionner. »

Des quartiers « un peu abandonnés »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Comptoir Olive & Gourmando, au Time Out Market

Dyan Solomon, notamment copropriétaire d’Olive&Gourmando et de Foxy, admet s’inquiéter elle aussi pour le sort de ses comptoirs au Time Out Market. « Je me questionne beaucoup quant à savoir à quel point les gens voudront aller dans ce genre d’espace là. » Elle souligne également que le centre-ville et le Vieux-Montréal – où elle a des restaurants – sont des quartiers « un peu abandonnés » en ce moment.

Du côté d’Ivanhoé Cambridge, qui loue l’espace commercial au Time Out Market au Centre Eaton, la directrice des affaires publiques, Katherine Roux Groleau, souligne que dans les centres commerciaux déjà ouverts ailleurs au pays, on assiste à « un retour progressif des gens ».

Dans ces endroits, les tables et les chaises ne sont pas accessibles aux clients. « Ce sont des foires dysfonctionnelles », juge pour sa part Éric Lefebvre, PDG de Groupe MTY, qui possède des marques exploitées dans les aires de restauration, comme Muffin Plus et Tiki-Ming. Les résultats « varient beaucoup » d’un centre commercial à l’autre.

« Les gens reviendront », croit pour sa part Alexandre Besnard, président et cofondateur du groupe A5 Hospitality, qui exploite Le Cathcart, où l’on compte près de 14 comptoirs et restaurants sous l’esplanade de Place Ville-Marie. « La presse en général est très axée sur le court terme de la situation, soutient-il. Je pense que les gros projets comme les foires alimentaires doivent avoir un horizon de 5, 10, 15 ans. Il faut être patient. »

— Avec la collaboration de Marie-Eve Fournier, La Presse