Le gendarme financier du Royaume-Uni a ouvert une enquête sur des opérations conduites par la Banque d'Angleterre pendant la crise de 2007-2008, un nouveau coup à la réputation de la City de Londres déjà mise en cause dans des manipulations du marché des changes.

Le Serious Fraud Office (SFO) a indiqué qu'il conduisait des «investigations» à propos d'enchères de liquidités réalisées par la Banque d'Angleterre pendant la crise financière en 2007 et 2008.

Ce type d'opération, qui voit une banque centrale prêter des fonds aux banques les plus offrantes, est assez classique de la part d'un institut d'émission, mais avait pris une ampleur exceptionnelle pendant la crise financière lorsque les banques, qui ne se faisaient plus confiance entre elles, courraient après les liquidités.

Le SFO est une agence gouvernementale indépendante qui dispose d'importants pouvoirs d'investigations dans les affaires de délinquance financière et l'implication de la vénérable Banque d'Angleterre dans l'une de ses enquêtes est une première.

Pour se défendre, la Banque a souligné qu'elle avait diligenté une enquête indépendante, conduite par un célèbre juriste de la City, sur ces possibles irrégularités avant même que le SFO ne planche sur le sujet.

«Sur la base des conclusions de cette enquête préliminaire, la Banque d'Angleterre en a référé au SFO le 20 novembre 2014», a expliqué la banque centrale dans un communiqué.

Elle n'a souhaité faire aucun autre commentaire et n'a pas précisé les irrégularités qui auraient pu être commises ni leurs conséquences. Elle n'a pas expliqué non plus si les personnes visées étaient des responsables de la Banque ou des courtiers extérieurs travaillant pour son compte.

L'ampleur de la gravité des faits et le degré d'implication de la Banque d'Angleterre restent donc largement à déterminer, mais ces annonces tachent déjà davantage le costume de Mark Carney, l'élégant gouverneur d'origine canadienne de l'institut d'émission. M. Carney a pris ses rênes en juillet 2013, remplaçant Mervyn King qui avait tenu la barre pendant la période mouvementée de la crise financière internationale, y compris à l'époque des faits incriminés.

Scandales à la pelle

Arrivé après, M. Carney devra préciser aux enquêteurs le rôle joué par la banque centrale, comme il l'a fait mardi aux parlementaires britanniques dans une affaire distincte de manipulation du marché des changes. Lors de cette audition quelque peu gênante, le gouverneur a assuré que la Banque avait «changé» sa «culture interne», après avoir durci ses règles internes suite à ce scandale.

La Banque d'Angleterre n'y est pas citée comme participante, mais a été épinglée parce que son responsable des changes, Martin Mallett, éconduit depuis, n'avait pas informé sa hiérarchie des mauvaises conduites potentielles de cambistes avec qui il était en contact.

Dans le cadre de ce vaste scandale du marché des changes, six grandes banques internationales se sont vu infliger en novembre des amendes pour un montant total de 3,26 milliards d'euros au cours de l'époque par les autorités de régulation britannique et américaine, pour avoir utilisé des forums de discussion sur internet et des messageries instantanées afin de se concerter de façon indue pour infléchir un taux de référence du marché.

Quelque 40% des échanges de cette Bourse immatérielle gigantesque - qui voit transiter environ 5300 milliards de dollars par jour - passent par la City de Londres, qui se retrouve donc, une fois de plus, au coeur de la tempête.

Deux des quatre principales banques britanniques, HSBC et RBS, ont été punies dans cette affaire et leur compatriote Barclays négocie avec pas moins d'une demi-douzaine d'autorités de régulation le montant de sa propre pénalité, qui risque de dépasser allégrement le milliard de livres au total (1,37 milliard d'euros).

Confrontées à une série de poursuites de la part de la justice, des autorités de régulation et même de clients s'estimant lésés par des annonces mensongères, les grandes banques britanniques ont dû provisionner des milliards de livres de pertes dans leurs comptes 2014, publiés ces derniers jours.

L'une des affaires les plus retentissantes concerne HSBC, accusée par une vaste enquête médiatique internationale d'avoir fait transiter quelque 180 milliards d'euros de riches clients entre novembre 2006 et mars 2007 sur des comptes en Suisse, afin de leur éviter d'avoir à payer des impôts dans leurs pays respectifs.