(Québec) Les maires de la Montérégie font front commun pour que le gouvernement Legault donne le feu vert au « projet global » et urgent d’agrandissement de l’hôpital Pierre-Boucher, à Longueuil, comme il l’a fait pour l’hôpital Maisonneuve-Rosemont.

Neuf maires de la région, dont la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, mettent en garde le gouvernement Legault qui « s’apprête à enclencher des travaux nécessaires, mais qui ne seront malheureusement pas à la hauteur des besoins ».

Dans une lettre ouverte publiée jeudi, les élus tirent la sonnette d’alarme pour « éviter une détérioration des services de santé dans la région » alors que l’augmentation et le vieillissement de la population exerceront dans les années à venir une « double pression » sur ce « pilier du réseau de la santé » en Montérégie.

La facture du « projet global » d’agrandissement et de modernisation de l’hôpital Pierre-Boucher, qui prévoit notamment l’ajout de 200 lits d’hospitalisation, dépasse facilement le milliard de dollars.

Or, Québec procède par étapes et va de l’avant avec une première phase qui est maintenant moins importante que celle annoncée en 2018 par l’ex-ministre libéral Gaétan Barrette.

Le gouvernement Legault a pourtant fait passer l’enveloppe initiale de 169 millions à 350 millions en 2021. La phase 1 prévoit l’aménagement de nouvelles urgences et d’une unité d’hospitalisation brève de 24 lits (ajout de 6 lits par rapport à la situation actuelle). Le chantier doit débuter à l’été 2026.

« Mais bien avant que les travaux ne débutent, la pandémie a éclaté et l’inflation s’est envolée. Si bien que pour respecter le budget initialement alloué, le projet qui se met en branle a été réduit », écrivent les maires dans leur missive. Le projet de 2018 prévoyait entre autres l’ajout de 52 lits de courte durée.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Le maire de Varennes et président de l’Union des municipalités du Québec, Martin Damphousse, signe la lettre avec la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, et sept autres maires de la Montérégie.

Au surplus, les maires déplorent que le projet actuel ne prévoit « aucun nouveau lit d’hospitalisation – alors que le niveau moyen actuel d’occupation est de 104 % – ni aucun développement des services ambulatoires, comme les [consultations] externes, la médecine de jour ou la radiologie ».

« Considérant le temps qu’il faut pour mener un projet à terme […] nous demandons que le gouvernement se positionne rapidement », rappellent les neuf maires de la Montérégie dans la lettre ouverte.

Les élus municipaux réclament que Québec autorise « au plus tôt » la phase suivante en l’inscrivant au prochain Plan québécois des infrastructures (PQI) dont la présentation est prévue en mars.

Selon un document interne présenté au conseil d’administration de la Fondation de l’hôpital Pierre-Boucher en décembre 2023, une deuxième phase est estimée à 600 millions, ce qui porterait la facture à 950 millions.

Cette deuxième phase, une sorte de compromis, permettrait d’ajouter 108 lits d’hospitalisation, peut-on lire dans le document consulté par La Presse.

Or, les besoins estimés jusqu’en 2031 sont encore plus importants. Le projet d’agrandissement reconnu par le MSSS en 2021 en fonction de l’évolution des besoins sur la période 2026-2031 prévoit plutôt l’ajout de 206 lits d’hospitalisation, de 6 salles d’opération, de 24 salles de consultation externe et de plusieurs fauteuils de médecine de jour, de chimiothérapie et de dialyse, écrivent les maires.

« Même si l’urgence d’agir est criante, ces éléments ne seront pas mis en chantier à cette étape-ci », déplorent-ils.

« Nous sommes au fait des besoins importants à l’hôpital Pierre-Boucher afin d’améliorer les services pour la population de la Montérégie », a fait valoir le cabinet du ministre de la Santé dans une déclaration transmise à La Presse.

« Maintenant, nous sommes d’accord avec les acteurs du terrain qu’il y a encore de nombreux besoins, c’est d’ailleurs pourquoi le nouveau bâtiment sera construit pour permettre l’ajout d’étages supplémentaires. Nous allons continuer de travailler avec eux pour mieux répondre aux besoins des gens de la région », ajoute le cabinet du ministre Christian Dubé.

La phase 1 est à l’étape de la planification avec la Société québécoise des infrastructures et « les professionnels élaborent présentement le concept », a indiqué à La Presse le CISSS de la Montérégie-Est. Ceux-ci doivent commencer « dans les prochains mois les plans et devis préliminaires ».

Vers un « cul-de-sac »

Les élus ne sont pas les seuls à faire valoir l’urgence d’agir. Le directeur des services professionnels du CISSS de la Montérégie-Est, le DAndré Simard, et le chef du département des urgences, le DJocelyn Dorado, s’inquiètent aussi pour l’avenir des soins.

« Il y a trois ans [avec les 350 millions], on faisait les nouvelles urgences, peut-être certaines des unités de soins, là on fait les nouvelles urgences et 24 lits de courte durée. Ce n’est même pas le projet qu’on avait en 2018 avec le DBarrette », déplore le DSimard.

« On appelle ça une première phase et on n’a aucune idée de la suite… On est rendus en 2024 », poursuit-il.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le DAndré Simard et le DJocelyn Dorado

André Simard et Jocelyn Dorado notent que l’hôpital Pierre-Boucher « n’a plus de marge de manœuvre » en ayant « sorti de l’hôpital ce qu’on pouvait sortir » pour libérer de l’espace. De 2017 à 2022, le nombre de visites aux urgences a augmenté de 36 %. Les lits d’hospitalisation sont surchargés alors que 29 % des séjours aux urgences durent plus de 24 heures.

Les nouvelles urgences prévues dans la phase 1 sont censées compter 54 civières, soit 7 de plus qu’actuellement.

On va passer le prochain hiver, mais c’est à moyen terme qu’on est dans un cul-de-sac.

Le DAndré Simard, directeur des services professionnels

Le milieu réclame que le projet soit fait en une seule phase comme celui de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont.

En raison de l’explosion du coût du projet, le ministre Dubé avait jonglé avec l’idée de procéder par phases, avant de se raviser et de confirmer le projet global. Dans ce cas, les coûts de l’agrandissement, estimés à 2,5 milliards en 2021, pourraient s’élever à 5 milliards.