Les emballages bilingues ne sont pas la cause de la pénurie de Tylenol et d’Advil pour enfants comme l’a suggéré un grand média anglophone, cette semaine. La demande pour l’acétaminophène et l’ibuprofène est plus forte que jamais alors que trois virus sont en circulation et que le système immunitaire des petits a été affaibli par les mesures sanitaires des dernières années, soutiennent des pharmaciens du Québec.

Les emballages de médicaments doivent en effet être bilingues partout au Canada. Mais dans les dernières années, il est arrivé que Santé Canada accorde des exceptions à des fabricants justement pour contrer certaines pénuries, affirme Bertrand Bolduc, président de l’Ordre des pharmaciens du Québec.

« Quand ça arrive, les pharmaciens sont avertis et ils préparent des étiquettes en français qu’ils apposent sur les produits. On le sait que c’est pour une situation temporaire et pour un besoin pressant », dit-il en réponse à un article du Toronto Star qui prétend que la pénurie est notamment causée par les étiquettes qui doivent être dans les deux langues officielles. L’article a fortement été critiqué sur les réseaux sociaux et qualifié de « francophobe » par des internautes.

Lisez l'article du Toronto Star (en anglais)

« Le Star dit que c’est à cause des emballages bilingues qu’on a une rupture de stock. C’est complètement faux et ridicule. C’est même stupide comme commentaire », a soutenu M. Bolduc.

Le président de l’Ordre des pharmaciens cite d’ailleurs l’exemple de gouttes pour les yeux qui ont été importées au plus fort de la pandémie. L’emballage du remède contre le glaucome était en espagnol. Un médicament pour traiter l’asthme a également été importé d’Espagne, il y a quelques années. Dans les deux cas, les pharmaciens ont apposé une étiquette avec les ingrédients actifs et le mode d’emploi en français.

Benoit Morin, président de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires, s’est aussi dit « surpris » en entendant parler de l’article du Toronto Star. Il s’est demandé si le quotidien « cherchait un scandale là où il n’y en a pas ».

Ce n’est pas la première fois qu’on importe des médicaments de l’extérieur. Quand ça arrive, on s’organise avec des feuillets ou avec des autocollants dans la langue du patient.

Benoit Morin, président de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires

« Le Tylenol qu’on fabrique derrière le comptoir, il faut qu’on l’étiquette lui aussi. On utilise un feuillet qui contient le dosage », ajoute M. Morin.

Plus forte demande

Les deux pharmaciens avancent plutôt que la pénurie de médicaments pour enfants est causée par une plus forte demande qu’à l’habitude. « Il y a de la COVID-19, du virus respiratoire syncytial et de la grippe qui circulent en même temps. Ces virus causent de la fièvre, de la toux et de la douleur, donc on vend plus d’acétaminophène. Ce n’est pas plus compliqué que ça », indique M. Bolduc.

La circulation de ces trois virus respiratoires a fait bondir le taux d’occupation des urgences pédiatriques du pays cet automne. Pour approvisionner les hôpitaux, Santé Canada a autorisé tout récemment l’importation « exceptionnelle » de dizaines de milliers d’unités d’ibuprofène des États-Unis et d’acétaminophène d’Australie.

« L’ibuprofène a été importé et la distribution aux hôpitaux est en cours. L’importation de l’acétaminophène est attendue prochainement », a confirmé Santé Canada par courriel. L’amoxicilline, un autre médicament pour enfants, est lui aussi en rupture de stock. Il s’agit d’un antibiotique qui sert à traiter les infections aux oreilles, les pneumonies et les bronchites.

Depuis le début de la pénurie, au début de l’été, les pharmaciens gardent plus souvent l’acétaminophène et l’ibuprofène pour enfants derrière leur comptoir, affirme Benoit Morin. Des établissements limitent aussi l’achat à un produit par visite.

La pénurie crée de l’anxiété. Quand les gens en voient [du Tylenol ou de l’Advil], ils en achètent même s’ils n’en ont pas besoin. Ça crée une pénurie artificielle.

Benoit Morin, président de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires

Sur les 2000 pharmaciens de la province, il estime qu’une centaine sont en mesure de fabriquer du Tylenol derrière leur comptoir. La version pour adulte est parfois suggérée aux enfants qui ont atteint un certain poids.

Des parents découragés

La fin de semaine dernière, Kevin Lessard a justement parcouru trois pharmacies d’Aylmer pour mettre la main sur une bouteille de Tylenol ou d’Advil tant recherchée. Son garçon souffre d’un virus respiratoire syncytial. Aucun des trois endroits n’avait les médicaments.

PHOTO FOURNIE PAR KEVIN LESSARD

Maude Legault-Lamont, Kevin Lessard et leur garçon

« Mon garçon avait beaucoup de toux, des maux de tête, des maux de gorge et il a fait de la fièvre pendant trois jours », raconte le père de l’enfant de 7 ans.

Découragé, M. Lessard a demandé à son propre père d’aller faire un tour dans les pharmacies d’Ottawa et de Gatineau. Un pharmacien a proposé des comprimés de Tylenol pour adultes selon le poids de l’enfant.

« Il a dit que je pouvais donner le comprimé au complet à mon garçon, et que si c’était trop gros, de l’écraser et de le mettre dans une compote ou un yogourt, que ça aidait à cacher le goût », raconte M. Lessard. Son garçon se portait d’ailleurs un peu mieux, jeudi, au moment d’écrire ces lignes.

En savoir plus
  • 150 %
    Taux d’occupation aux urgences de l’Hôpital de Montréal pour enfants, jeudi
    SOURCE : Bonjour santé
    119 %
    Taux d’occupation aux urgences du CHU Sainte-Justine, jeudi
    SOURCE : bonjour santé