Même avec un résultat négatif, les parents d’enfants ayant des symptômes rappelant ceux de la COVID-19 ont toutes les misères du monde à obtenir un rendez-vous médical. Aux urgences du centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine, engorgées par ce trop-plein, on demande aux cliniques de faire un effort.

Quand Pénélope, 4 ans, s’est réveillée avec de la fièvre et de la toux mardi dernier, sa mère est rapidement allée lui faire passer un test de dépistage de la COVID-19. Devant le résultat négatif, Marie-Hélène Hamel s’est mise en quête d’un rendez-vous médical. Le mot « quête » n’est pas exagéré.

Sa clinique habituelle, qui n’avait pas de rendez-vous à lui offrir avant septembre, lui a conseillé d’appeler Info-Santé. Après une heure d’attente, le service l’a informée qu’on la rappellerait dans les 24 heures avec des références.

Devant ce délai, Mme Hamel, qui habite Lachine, a joint des cliniques elle-même. La plupart n’avaient pas de place ou en avaient seulement pour leur clientèle. La seule qui a offert un rendez-vous s’est rétractée devant les symptômes.

Les urgences de l’hôpital local, où elle s’est rendue le lendemain sur le conseil d’une des cliniques, l’a prévenue qu’il y aurait huit heures d’attente et lui a trouvé une autre référence. Mais cette clinique, évoquant son statut de zone froide, a aussi refusé de voir l’enfant.

J’avais un peu l’impression d’être comme dans le film Contagion, où tu essaies d’entrer, et tout le monde refuse.

Marie-Hélène Hamel

Info-Santé l’a finalement rappelée en fin de journée, mercredi, après plus de 24 heures, mais avec une solution : une clinique chaude où, malgré son test négatif, la fillette de 4 ans a été accueillie le jeudi par du personnel revêtu d’un équipement de protection individuel de la tête aux pieds et obligée de porter un masque.

« Une chance que ma fille a trouvé ça drôle, mais c’est quelque chose ! » Après trois jours de fièvre, elle a enfin su : un gros rhume.

Mme Hamel, propriétaire d’un petit magasin avec des employés, a trouvé cette attente mêlée d’incertitude difficile à gérer.

« Le système est mal fait, c’est toujours des allers-retours », déplore-t-elle.

Sainte-Justine écope

« C’est un peu ce qu’on vit durant la semaine des vacances de Noël et le jour de l’An : il y a peu de services disponibles à la population, les gens se ruent là où ils peuvent, donc dans les urgences », témoigne le chef du service de pédiatrie d’urgence du CHU Sainte-Justine, le DAntonio D’Angelo.

La comparaison avec la période des Fêtes ne s’arrête pas là.

« Tous les virus d’hiver qu’on n’a pas vu cet hiver, ou en très petit nombre, se multiplient maintenant dans les garderies et avec les contacts qu’on a de plus en plus », explique le pédiatre urgentologue.

Les maux causés par les virus hivernaux, comme la gastroentérite, le rhume, la bronchiolite, la laryngite et autres problèmes respiratoires, s’ajoutent donc aux virus d’été, comme le coxsackie, et aux traumas estivaux (accidents de vélo, de trottinette, de planche à roulettes, de trampoline, quasi-noyades, etc.).

Résultat : un volume de patients beaucoup plus élevé depuis environ six semaines, alors qu’une partie du personnel est en vacances, puisque les urgences de Sainte-Justine connaissent habituellement une baisse d’achalandage à ce temps-ci de l’année.

Comme dans la période de Noël, on a des temps d’attente très élevés, beaucoup de parents partent sans être vus.

Antonio D’Angelo, chef du service de pédiatrie d’urgence du CHU Sainte-Justine

Le DD’Angelo comprend également que les parents ne puissent « pas nécessairement attendre des 12, 16 heures ».

Il espère que la récente directive du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) aidera pour les cas mineurs. Le MSSS a demandé aux groupes de médecine de famille de respecter les heures d’ouverture prévues dans leurs ententes et de recommencer à voir des patients présentant certains symptômes en clinique froide.

Avec leurs deux doses de vaccin et un an et demi d’expérience avec les mesures de contrôle des infections, les médecins n’ont plus l’« excuse de ne pas pouvoir les voir », dit-il.

Ces mêmes enfants que le médecin ne veut pas voir, il va les voir [à l’épicerie] Metro, accompagnant leurs parents aux prises avec un enfant malade.

Le DD’Angelo

Et si la télémédecine peut être utile pour un suivi ou un premier triage, « on ne peut pas faire de diagnostic de pneumonie, d’otite ou de pharyngite par téléphone », souligne-t-il.

Le pédiatre trouve inacceptable de voir arriver de jeunes patients auxquels les antibiotiques prescrits « par téléphone ou par Zoom pour une otite » n’ont apporté aucun soulagement, puisque leur douleur à l’oreille n’était pas due à une otite.

« J’espère que les médecins vont revenir dans leurs cliniques pour voir leurs patients », conclut le DD’Angelo.