(Québec) Les économies prévues par le gouvernement Legault avec son entente sur la rémunération des médecins spécialistes ne sont pas au rendez-vous jusqu’ici, constate la vérificatrice générale Guylaine Leclerc.

Dans son rapport déposé à l’Assemblée nationale mercredi, elle déplore que les ententes avec les médecins spécialistes et omnipraticiens soient toujours aussi complexes et qu’il y ait « des lacunes dans leur application ».

En 2019-2020, la rémunération des 11 000 médecins spécialistes et des 10 000 médecins de famille s’est élevée au total à 7,5 milliards de dollars. Le coût par habitant en dollars constants de ces dépenses a bondi de 32 % en 10 ans, alors que les coûts des autres dépenses de programmes en santé et services sociaux a augmenté de 13 %.

Selon l’entente conclue à la fin de 2019, le gouvernement et la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) se sont donné pour objectif de réduire de 450 millions de dollars d’ici le 31 mars 2023 l’enveloppe de rémunération des médecins par la création de l’Institut de la pertinence des actes médicaux. Cet institut a été chargé d’identifier et d’éliminer des actes médicaux jugés « inappropriés, rendus à des fréquences excessives ou non conformes aux bonnes pratiques ».

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Guylaine Leclerc, vérificatrice générale du Québec

Or, en 2020-2021, les économies générées par le travail de l’Institut n’ont atteint que 6,1 millions. C’est seulement 9 % de la cible de 70 millions fixée pour cette année-là.

Les économies identifiées jusqu’ici représenteraient 24 % de l’objectif à atteindre en 2023.

La VG craint que Québec rate la cible fixée à 450 millions. « Il y a un risque important que les objectifs liés aux économies de pertinence assignés à l’Institut ne soient pas atteints dans les délais prévus. »

La VG relève par ailleurs que des économies annoncées « peuvent être surévaluées en raison de la facturation d’actes similaires à ceux ayant été éliminés ». « Nous avons d’ailleurs pris connaissance de communications dans lesquelles des établissements proposaient aux médecins d’utiliser des codes de facturation alternatifs s’ils jugeaient nécessaire de poser des actes dont le code avait été abrogé », révèle-t-elle.

Le constat est plutôt embarrassant pour le gouvernement Legault qui, déjà, a signé en 2019 une entente avec les médecins spécialistes contenant des économies largement inférieures à ce qu’il avait fait miroiter en campagne électorale.

Dans son rapport, Guylaine Leclerc revient sur la controverse autour de la « prime jaquette » versée aux médecins. Même si la FMSQ a promis d’y mettre fin en mars 2018, « l’abolition des codes de facturation pour l’ensemble des spécialités a finalement été complétée en mars 2021 seulement ».

Selon la VG, de mars 2015 à mars 2020 – donc avant la pandémie –, les dépenses de rémunération des médecins ont été inférieures aux enveloppes budgétaires d’un milliard de dollars de façon cumulative. Mais « ce solde qui augmente année après année est une occasion que le ministère de la Santé et des Services sociaux n’a pas saisie pour éviter d’accumuler des engagements financiers envers les médecins ou s’assurer que le volume de services médicaux rendus correspond aux prévisions ».

Comme le ministère n’a pas fait une analyse rigoureuse de la situation, il ignore la part de ce milliard qui représente des sommes dues aux médecins et celle qui représente des économies réelles.

La VG rappelle que l’enjeu est important puisque, comme elle l’avait expliqué dans un précédent rapport, les sommes non dépensées « ont historiquement été utilisées pour le versement rétroactif de forfaits aux médecins ou l’augmentation temporaire de tarifs médicaux, sans égard à l’amélioration des services ». Il existe aujourd’hui une clause pour limiter à certains cas précis l’utilisation de sommes non dépensées pour augmenter la rémunération des médecins.

Ce solde d’un milliard peut témoigner d’un problème d’accessibilité aux services pour les patients, selon la VG. « La part représentant des économies peut s’expliquer par un volume de services inférieur à ce qui était prévu dans les ententes et cela devrait soulever des interrogations et mener à des actions dans le contexte actuel de difficulté d’accès aux médecins. »

Le manque de suivi du ministère quant aux enveloppes budgétaires inquiète la VG, en particulier dans le contexte de l’après-pandémie. « Dans les années à venir, le rattrapage des soins à prévoir en raison du délestage de certaines activités risque d’entraîner une augmentation des dépenses de rémunération des médecins, et ainsi de générer le dépassement des enveloppes budgétaires », souligne-t-elle.