La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) refuse de rouvrir son entente sur la rémunération advenant l'élection de la Coalition avenir Québec ou du Parti québécois. Elle est prête à recourir aux tribunaux si le prochain gouvernement ne la respecte pas.

« Si M. Legault choisit la confrontation, ça lui appartient. On va se battre comme on l'a toujours fait », a prévenu la présidente de la FMSQ, Diane Francoeur, hier.

En entrevue à La Presse, le chef caquiste François Legault a confirmé son intention de renégocier l'entente avec la FMSQ. Il a précisé qu'il voulait réduire en moyenne de 80 000 $ par année la rémunération d'un spécialiste. Il récupérerait ainsi 1 milliard de dollars par année, une cagnotte qu'il utiliserait pour financer la réalisation de promesses électorales.

De son côté, le chef péquiste Jean-François Lisée promet de suspendre immédiatement après son élection le versement des hausses prévues à l'entente. Il veut lui aussi la renégocier pour récupérer des milliards de dollars au cours des prochaines années.

Diane Francoeur rappelle que les augmentations prévues à l'entente représentent un étalement de sommes déjà promises en vertu d'accords précédents. La FMSQ a donc déjà fait suffisamment de concessions dans le passé à ses yeux.

« On a passé trois ans et demi en confrontation. Ni les médecins spécialistes, ni la fédération, ni les patients n'ont envie de repasser par là. »

Du reste, cette entente a été signée « en bonne et due forme », « de bonne foi », et lie le gouvernement. Il y aurait fort probablement bataille judiciaire si la prochaine administration à Québec reniait la signature. « Je pense qu'on a démontré qu'on n'avait aucun problème à recourir aux tribunaux » dans le passé, a souligné Diane Francoeur. En cas de « réouverture unilatérale » de l'entente, « nos avocats s'assureront d'en déterminer les limites ». François Legault « sait très bien que s'il rouvre une entente et qu'il arrive avec une loi spéciale, il va y avoir une confrontation ».

À la population de décider

La présidente de la FMSQ relève que l'entente ajoute des services à la population financés à même l'enveloppe de rémunération des spécialistes. Un plan national y est prévu pour éviter les « bris de services » dans les spécialités de base (anesthésie, par exemple) partout au Québec. Or, dans l'éventualité où le gouvernement ne respecte pas sa partie de l'entente, il ne faut pas s'attendre à ce que la FMSQ respecte la sienne. « Si on rouvre l'entente et qu'on veut couper les augmentations qui sont arrivées, bien il y a des services qui ne seront plus là, c'est tout », a-t-elle dit.

« La population devra décider le 1er octobre, et c'est le message qu'on veut lui dire : les résultats arrivent, est-ce que vous voulez mettre ça en péril pour une autre chicane pendant quatre ans ? »

Diane Francoeur identifie une « voie de passage ». L'entente prévoit confier à l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS), un organisme indépendant, le mandat de faire une étude comparative entre la rémunération des médecins du reste du Canada, dont l'Ontario, et ceux du Québec, en tenant compte du coût de la vie. L'étude sera réalisée pour 2019-2020, et basée sur les données de 2015-2016. Il faudrait attendre les conclusions de cette étude avant d'envisager de revoir l'entente.

« Quelle est l'urgence de partir la confrontation le 2 octobre quand les résultats de l'ICIS sont prévus pour la fin de 2019 ? [...] Pensez-vous que les médecins vont accepter de se faire couper 20 % sans étude comparative alors qu'ils travaillent dans un réseau qui a été mis à feu et à sang pendant les quatre dernières années et que les équipes sont en miettes ? », a-t-elle lancé. L'ICIS a déjà démontré que les spécialistes québécois gagnent plus que leurs collègues de l'Ontario, mais ses données sont « incomplètes », selon la FMSQ. Le syndicat croit plutôt que « le financement affecté aux médecins spécialistes québécois demeure inférieur à la moyenne canadienne, même après prise en compte des écarts de richesse collective ».

Diane Francoeur préférerait travailler « dans la collaboration » avec un prochain gouvernement afin d'améliorer l'accessibilité aux services. Elle a dévoilé un plan en ce sens la semaine dernière.

QUE PRÉVOIT L'ENTENTE QUÉBEC-FMSQ ?

L'entente couvre la période 2015-2023. Québec accorde aux spécialistes une hausse de rémunération de 1,4 % par année en moyenne. On parle donc de 11,2 % - dont 4,6 % ont déjà été versés ces dernières années. Il s'agit d'une dépense récurrente de 511 millions de dollars par année à terme. À cela s'ajoute le versement d'une somme non récurrente de 1,5 milliard de dollars, des sommes dues aux médecins en vertu d'ententes passées. L'enveloppe de rémunération des spécialistes doit ainsi passer de près de 5 milliards actuellement à 5,4 milliards en 2022-2023.

Photo Catherine Lefebvre, archives collaboration spéciale

Diane Francoeur, présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec