La productivité des médecins est toujours un enjeu au Québec, a convenu le premier ministre Philippe Couillard, commentant l'étude commandée par le Commissaire à la santé et au bien-être, publiée par La Presse mercredi.

« On a encore un enjeu de productivité dans la profession médicale, cela fait des années qu'on le dit », a-t-il reconnu, au sortir d'un déjeuner où il avait pris la parole devant 300 invités de la Chambre de commerce et de l'industrie de Paris. Mais le système actuel est encore celui qui incite le plus les médecins à voir des patients et l'augmentation constante des salaires de la profession a été stoppée, résume-t-il.

L'étude constate que le mode de rémunération à l'acte qui devait inciter à une meilleure productivité n'est pas parvenu à augmenter le niveau de soins offerts par les médecins durant la période 2006-2015. L'étude Analyse des impacts de la rémunération des médecins sur leur pratique et la performance du système de santé au Québec avait été commandée par le Commissaire à la Santé et au Bien-être, un poste aboli par le ministre Gaétan Barrette.

L'étude constate que, sur cette période, le nombre d'actes posés par les omnipraticiens avait baissé de 8,2 %, que le nombre moyen de visites par médecin avait reculé de 17 % et que le nombre de jours travaillés avait diminué de 4,5 %.

Pour Philippe Couillard, toutefois, pas question de remettre en question le mode de rémunération à l'acte, le maillon faible du système de l'avis des chercheurs. La rémunération à l'acte « avec tous ses défauts fait en sorte qu'on a intérêt à voir plus de patients. Si on change le mode de rémunération pour qu'il n'y ait plus d'incitatif, on va accentuer le phénomène », a prévenu Philippe Couillard.

D'ailleurs, les médecins spécialistes et les omnipraticiens ont de plus en plus une rémunération mixte, a-t-il souligné. « On veut que les médecins voient des gens gravement malades d'un côté, mais on veut aussi qu'ils voient plus de patients. Dans tous les modes de rémunération, partout dans le monde, on retrouve des éléments d'incitation à la productivité », dira-t-il.

Les chercheurs constatent aussi que le salaire des médecins s'est accru considérablement sans que cela n'améliore le sort des patients. « Vous connaissez le débat sur l'atteinte de l'équité avec nos voisins (l'Ontario). Pour nous, "la job est faite", comme on dit. On est arrivé à une rémunération équitable pour les médecins », a-t-il tranché.

Il rappelle qu'au chapitre des majorations de tarifs, l'entente conclue avec Québec en février prévoit qu'il n'y aura aucune augmentation de tarifs pour les médecins entre 2018 et 2022. « C'est une excellente entente pour les contribuables », a-t-il insisté.

Le fait que les médecins gagnent plus pour travailler moins est un constat qui remonte à 2002, c'est pourquoi le ministre Gaétan Barrette avait fait adopter les lois 20 et 130 qui imposent plus de productivité aux médecins.

Pour M. Couillard, « il faut garder des incitatifs à la productivité », tout en cherchant l'équilibre entre les nouvelles prises en charge de patient et les visites régulières.

« Dès le début, on a adopté des lois assez contraignantes pour les médecins. La loi 20 pour les omnipraticiens et la loi 130 pour les spécialistes imposent des obligations de productivité aux médecins jamais obtenues jusque là », a insisté M. Couillard.

Ces deux lois n'ont pas été abolies avec les ententes récentes avec les spécialistes et les omnipraticiens, les cibles ont été repoussées dans le temps, résume-t-il.

« La loi 20 s'applique, les cibles ont été décalées dans le temps, mais on est très près des cibles. Il y a des endroits où il n'y a plus d'attente pour les médecins de famille, des endroits où on n'aurait jamais cru cela possible », dit-il.

Pour les spécialistes, les seules dispositions décalées touchent les cibles quant aux consultations et les attentes de chirurgies. Ici, des progrès ont été réalisés, « la loi n'est pas annulée, simplement retardée », précise-t-il.