Soixante-cinq psychiatres et médecins de famille ont perdu le droit d'exercer la psychothérapie, n'ayant pas prouvé qu'ils avaient mis leurs connaissances à jour, comme l'exige désormais la loi québécoise.

Reconnue comme une activité à « haut risque » depuis 2012, la psychothérapie est réservée aux psychologues et aux médecins ainsi qu'aux professionnels de certains domaines ayant réussi à obtenir un permis spécial.

Environ 1100 médecins déclarent chaque année qu'ils exercent cette activité. Le mois dernier, 22 médecins de famille et 43 psychiatres - dont certains occupent des postes de direction - ont toutefois reçu un avis de limitation pour avoir failli à leur obligation de maintenir leur compétence.

« Dans la dernière année, on les a avertis plusieurs fois que s'ils ne complétaient pas leurs 90 heures de formation continue [exigées tous les cinq ans], ils ne seraient plus autorisés à pratiquer ce type d'intervention là, expose le Dr Charles Bernard, président du Collège des médecins. Le couperet, il faut que ça tombe un jour. »

L'organisme ignore combien de professionnels rectifieront le tir. « Un médecin de famille et un psychiatre sont sortis de leur torpeur, se sont rattrapés et se sont réinscrits en psychothérapie. Les autres, on ne sait pas encore s'ils veulent continuer ou non. »

DES PSYCHIATRES « EN DÉFAUT » ?

L'Association des médecins psychiatres du Québec s'entretiendra aujourd'hui avec le Collège des médecins pour voir « comment rectifier la situation [...] pour s'assurer qu'il n'y ait pas de mécompréhension dans la population » au sujet de ce que les psychiatres visés peuvent faire ou non, affirme la directrice de l'association, Martine Dériger.

La « thérapie psychiatrique » ne consiste pas seulement à prescrire des médicaments, précise-t-elle. « La pharmaco, c'est très limité, c'est beaucoup moins que rencontrer et évaluer les patients. »

D'après Mme Dériger, il est possible que les psychiatres ayant reçu l'avis du Collège n'offrent plus de psychothérapie - par exemple parce qu'ils travaillent désormais pour un tribunal.

D'autres se retrouvent peut-être sur la liste pour une « technicalité », avance-t-elle, puisque les psychiatres membres du Collège royal des médecins doivent suivre 400 heures de formation tous les cinq ans, et que « 70 à 80 % de cette formation concerne la psychothérapie ». « Ils sont peut-être en défaut de ne pas avoir rempli les petites cases auprès du Collège », conclut Mme Dériger.

BIENTÔT TOUS LES MÉDECINS

Avant l'adoption de la loi sur la psychothérapie, les exigences du Collège « n'étaient pas des heures obligatoires avec un décompte », précise pour sa part le Dr Bernard.

Dans quelques mois, « on révolutionnera toute la formation continue », dit-il. 

« Ça a commencé avec la psychothérapie, mais on est en train de finaliser un autre règlement, qui prévoit un nombre obligatoire d'heures de développement pour chacune des 60 spécialités », dit le DCharles Bernard, président du Collège des médecins.

D'après le projet de règlement affiché sur le site web du Collège, les médecins devront suivre 250 heures de formation tous les cinq ans. Omettre de se former tout au long de sa carrière « double les risques d'avoir un exercice non satisfaisant », justifie une mise au point publiée l'an dernier.

« On veut avoir la garantie que personne ne va se défiler, affirme le Dr Bernard. Quand tu n'as pas de déclaration obligatoire à faire, que c'est juste un contrôle quand tu te fais inspecter, il y a des gens qui, des fois, peuvent passer entre les mailles du filet. On en veut zéro. »

Plus de 100 psychologues et psychothérapeutes touchés

Comme le Collège des médecins, l'Ordre des psychologues a également sévi il y a quelques mois. Il a alors limité le droit d'exercice de 188 psychologues et suspendu le permis de 35 psychothérapeutes n'ayant pas suivi les heures de formation requises. Depuis lors, 37 % des psychologues visés et 54 % des psychothérapeutes ont corrigé la situation. Pour l'instant, les autres n'apparaissent plus au service de référence de l'Ordre pour l'exercice de la psychothérapie.

Qui a déclaré pratiquer la psychothérapie ?

• 5852 psychologues

• 1004 médecins

• 1497 détenteurs de permis de psychothérapeute

Quand s'agit-il de psychothérapie ?

• Maux concernés : Troubles mentaux, perturbations du comportement ou autre problème entraînant une souffrance psychologique

• Buts de la psychothérapie : Changer significativement le fonctionnement du client, sa personnalité, son système interpersonnel ou son état de santé