Personne ne sera blâmé pour l'oubli d'un outil chirurgical de 33 centimètres dans l'abdomen de Sylvie Dubé, le 14 mars. Le commissaire local aux plaintes et à la qualité des services du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) conclut après examen de la plainte déposée par la patiente que l'oubli s'explique par la «défaillance du processus».

«Le côté choquant, c'est que personne ne prend la responsabilité. On accuse le processus lui-même», déplore la femme de 62 ans. Rencontrés par La Presse, Sylvie Dubé et son conjoint, Alain Cadieux, tentent tant bien que mal de tourner la page sur cet épisode de leur vie. Le couple a été informé des conclusions du commissaire lors d'une rencontre, le 12 octobre.

Sylvie Dubé a souffert pendant les deux mois suivant sa chirurgie menée à l'hôpital Notre-Dame de Montréal, pour combattre un cancer de l'ovaire. La douleur devenue intenable, la femme décide de se rendre aux urgences et c'est là, le 22 mai, qu'on détecte une lame métallique large de 5,6 centimètres dans son ventre. Elle lui sera retirée trois jours plus tard.

Dans le document de moins d'une dizaine de pages, le commissaire indique avoir constaté après analyse que «les procédures en place ont été suivies adéquatement» lors du recomptage des outils chirurgicaux en fin d'intervention et que les «façons de faire» ont aussi été appliquées «comme il se doit» par le personnel médical du bloc opératoire de l'hôpital Notre-Dame.

Aucune sanction

«Il semble qu'aucune négligence ou omission volontaire ne soit en cause», écrit le commissaire, ne recommandant ainsi aucune sanction disciplinaire. «Dans la situation qui nous occupe, je suis d'avis qu'aucun avis formel n'aura plus de poids que l'évènement en lui-même qui a grandement ébranlé toute l'équipe et les personnes impliquées. Ceci constitue une sanction en soi.»

«Le système est malade, il faut que ça change», réagit M. Cadieux. «C'est entre sept et huit mois de stress. Il n'y a pas une journée que je n'y pense pas. Deux mois de douleur [pour ma femme], plus le stress de l'attente et celui de l'attente de la conclusion. [...] Tout ça et il n'y a personne qui s'excuse à la fin?» 

Le couple pourrait se prévaloir d'un recours en deuxième instance pour contester les conclusions du commissaire aux plaintes, en s'adressant au Protecteur du citoyen, ce qu'il refuse de faire. M. Cadieux et Mme Dubé ont plutôt mandaté un avocat pour intenter des recours en justice.

Procédures renforcées

Si le rapport du commissaire laisse au couple un goût amer, il se réjouit néanmoins des mesures adoptées par le CHUM dans la foulée des évènements. Le protocole entourant le recomptage des instruments chirurgicaux a notamment été renforcé en ajoutant deux étapes pour éviter que des objets «soient identifiés et retirés alors qu'ils sont encore en utilisation», comme dans le cas de Mme Dubé.

«Un suivi serré» des nouvelles consignes est aussi assuré par le CHUM et toutes les équipes des blocs opératoires ont reçu la formation adéquate. «La procédure a été diffusée dans d'autres établissements hospitaliers de Montréal afin qu'ils s'inspirent des améliorations mises en place par le CHUM et cela dans le but de prévenir des cas semblables», a également confirmé l'établissement par courriel, réitérant «sa compassion» à l'endroit de la patiente.

«J'essaie de décanter tout ça», a conclu Mme Dubé. «Pour moi, la démarche a été faite. On est allé au bout. Au-delà de la diffusion, ç'a vraiment fait bouger les choses, en espérant que ce soit pour le meilleur. J'essaie de rester positive et de garder confiance au système.» Elle souhaite maintenant mettre son énergie dans sa lutte contre le cancer, qui a refait surface.

Sylvie Dubé doit entreprendre un nouveau traitement de chimiothérapie au cours des prochaines semaines.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Sylvie Dubé a souffert pendant les deux mois suivant sa chirurgie menée à l'hôpital Notre-Dame de Montréal. Une lame métallique large de 5,6 centimètres avait été laissée dans son ventre.