À l'instar de Québec qui prépare depuis des mois son Sommet de l'alimentation, le ministre fédéral de l'Agriculture Lawrence MacAuley vient d'annoncer que le Canada se dotera d'une politique alimentaire.

Et de quoi sera-t-il question au juste?

D'améliorer l'accès à des aliments abordables; d'améliorer la salubrité des aliments; de préserver la qualité des sols, de l'eau, de l'air et de produire une plus grande quantité d'aliments de meilleure qualité.

Ce qui veut donc dire que le gouvernement fédéral s'intéresse autant à ce qui pousse dans nos champs, et dans quelles conditions, qu'à la chaîne de production qui apporte tous ces beaux produits jusque dans les épiceries. 

Gros mandat.

«Les intentions sont bonnes», lance la nutritionniste Hélène Laurendeau, qui a néanmoins quelques craintes sur le processus. 

«Ce qui me fait peur, c'est que ça soit un peu comme une étude de marché», dit-elle. Que l'on fasse une liste de ce que qui est bon à manger et à faire pousser, sans aller plus loin sur les moyens d'avoir une offre alimentaire plus juste sur l'ensemble du territoire. Hélène Laurendeau s'intéresse aussi de près aux compétences en cuisine, indispensables à une saine alimentation. «Sera-t-il question de ramener les cours de cuisine dans les écoles?», demande-t-elle.

«Oui, j'aimerais que mon pays soit un leader dans le domaine, mais la semaine passée, ce même gouvernement a refusé l'étiquetage obligatoire des OGM, alors que c'est ce que les gens demandent depuis longtemps», affirme Mme Laurendeau. 

Le président de l'Union des producteurs agricoles Marcel Groleau voit l'élaboration d'une politique alimentaire canadienne d'un bon oeil, bien que de grands pans de l'agriculture soient de compétence provinciale. La politique canadienne pourrait toutefois donner les orientations qui guideront ensuite les programmes dédiés à l'agriculture, dit Marcel Groleau, les citoyens étant de plus en plus intéressés par les modes de production de leurs aliments et exigeants, notamment à propos du bien-être animal.

«Le Canada a tout un défi devant lui, mais en l'abordant sous l'angle de l'alimentation, il englobe les enjeux de la terre à la table», soutient Benoit Girouard, président de l'Union paysanne.

Première étape de l'élaboration de cette politique, des consultations publiques en ligne viennent de commencer. Tout le monde peut donner son avis en ligne.

Une première rencontre, le Sommet sur une politique alimentaire pour le Canada, se tiendra à Ottawa les 22 et 23 juin prochains. Des gens de l'industrie alimentaire et de la santé publique y participeront.

Au Québec, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation Laurent Lessard a terminé vendredi dernier la première étape de ses consultations qui mèneront au Sommet de l'alimentation à l'automne et, ultimement, à une politique alimentaire.

«On est rendu là», dit Sylvie Bernier, présidente de la Table québécoise sur la saine alimentation. « C'est extrêmement valorisant de voir l'alimentation enfin au coeur des priorités de nos gouvernements », dit-elle, satisfaite que Québec et Ottawa prennent une si grosse bouchée. 

«On ne peut plus travailler en silo», ajoute-t-elle. Les politiques alimentaires devront donc autant promouvoir les saines habitudes de vie que contrer la dévitalisation des terres agricoles en région. 

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Les Québécois craignent les pesticides


La moitié des Canadiens voient spontanément les pesticides d'un mauvais oeil, mais ne sont pas assez inquiets pour sérieusement s'informer sur le sujet, révèle un sondage Ipsos commandé par Ottawa.

Les traces de pesticides sur les fruits et légumes importés inquiètent particulièrement les consommateurs. La moitié des participants associe l'utilisation de pesticides à des aspects négatifs (problèmes de santé, toxicité, danger pour l'environnement, etc.), alors que seulement un répondant sur cinq leur trouve plutôt des avantages (lutte contre les mauvaises herbes, protection des cultures, etc.).

Au Québec, la proportion de répondants qui ont un jugement négatif est plus élevée qu'ailleurs au pays, avec 59% des participants qui les associent spontanément à un danger. Le sondage a été réalisé l'automne dernier auprès de 2015 Canadiens de 18 ans et plus.

- Avec William Leclerc, La Presse