Les groupes anti-vaccins sont «susceptibles d'engendrer des éclosions de cas de rougeole pouvant se propager à la population générale», notamment avec un taux de vaccination «globalement inadéquat» au Québec, met en garde un rapport d'enquête de la Santé publique obtenu par La Presse.

Le document porte sur une éclosion survenue dans une communauté anti-vaccin de Lanaudière en 2015, la Mission de l'Esprit-Saint, et recommande de recenser les groupes de ce genre afin de mieux prévenir la propagation des maladies infectieuses.

«Il est concevable qu'une telle éclosion puisse se produire à nouveau au Québec», indique le rapport.

L'enquête de la Santé publique de Lanaudière montre d'ailleurs que la région l'a échappé belle : un infirmier du Centre hospitalier régional de Lanaudière - que l'on croyait immunisé - a contracté le virus et est entré en contact avec plusieurs centaines d'individus avant d'obtenir le diagnostic. Il n'aurait finalement infecté personne.

La maladie avait été rapportée par un fidèle non vacciné en voyage à Disneyland.

«D'identifier d'emblée ces communautés nous permet de créer un lien, de connaître les personnes-ressources [...]. Pour nous, c'est important qu'elles nous déclarent rapidement les maladies, afin qu'on puisse mettre en place les mesures de protection», a indiqué Muriel Lafarge, directrice de la santé publique dans Lanaudière, en entrevue téléphonique. Elle cosigne le rapport d'investigation avec plusieurs collègues.

Le rapport recommande aussi de garantir les revenus des personnes qui doivent être isolées à domicile, ainsi que d'informatiser la gestion de crise par les fonctionnaires. Les pouvoirs publics devraient aussi s'assurer que les individus qui respectent les directives d'isolement ne soient pas financièrement pénalisés par leur employeur, ajoute le document.

«Quelques cas de non-respect»

La rougeole, une maladie qui peut entraîner des complications graves, était extrêmement répandue au Canada avant l'arrivée de la vaccination à grande échelle, en 1970. Depuis, la grande majorité des enfants reçoivent le vaccin dès leurs premières années.

Mais pas les membres de la Mission de l'Esprit-Saint, totalement opposée aux vaccins.

En janvier 2015, lorsque la rougeole s'y est propagée, la Santé publique a rapidement obtenu l'isolement de plusieurs individus, d'abord par ordonnance verbale, puis écrite, après «quelques cas de non-respect des recommandations [...] ayant pu présenter un risque de transmission à la population générale», indique le rapport. «Les rassemblements communautaires ont été cessés et les lieux de rassemblement fermés.»

Les enfants atteints ont été retirés de l'école. Les jeunes dont les parents refusaient la vaccination ont aussi été exclus 14 jours de l'établissement en cause.

Infirmier infecté

Au final, l'éclosion s'est virtuellement limitée aux membres de la Mission de l'Esprit-Saint, à deux exceptions près : une fillette de 11 ans se serait trouvée à proximité du lieu de travail d'un fidèle infecté, et l'infirmier qui aurait «eu un contact direct avec au moins quatre cas de rougeole», indique le rapport. «En raison d'un diagnostic tardif, 373 contacts en lien avec ce cas ont été identifiés et rejoints pour suivis.» L'homme portait la barbe, ce qui a pu nuire à l'adhérence de son masque de protection.

Cet homme était né avant 1970 et était donc considéré comme immunisé contre la rougeole. Il ne l'était manifestement pas. «C'est vraiment un cas extraordinaire», a indiqué Mme Lafarge.