En 2014-2015, deux patients ont été hospitalisés au Québec car ils étaient atteints du scorbut, soit une carence grave en vitamine C, révèlent des données du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) obtenues par La Presse. Et une trentaine de personnes reçoivent chaque année le diagnostic d'une « carence en acide ascorbique », dans les hôpitaux de la province.

Longtemps associés aux explorateurs qui passaient de longs mois sans avaler d'aliments frais, le scorbut et les carences en vitamine C sont encore présents, quoique rares, dans les pays développés.

« On ne parle pas d'un problème de santé publique. Mais c'est quand même surprenant de voir qu'il y a encore des cas aujourd'hui. Car trouver un apport en vitamine C suffisant est plus facile aujourd'hui que dans le passé », affirme le nutritionniste Bernard Lavallée.

Endocrinologue, le Dr André Carpentier n'a jamais traité de cas de scorbut ni entendu parler de tels cas. « Ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas. Mais ce n'est certainement pas fréquent », dit-il, tout en notant que très peu de recherche fiable existe sur le sujet.

DES CAS AU QUÉBEC

L'« anémie scorbutique » n'est pas une maladie à déclaration obligatoire au Québec. La porte-parole du MSSS, Marie-Claude Lacasse, explique que des patients peuvent présenter une carence en vitamine C sans toutefois être au stade, plus grave, d'anémie scorbutique.

Les personnes atteintes de scorbut peuvent présenter différents symptômes, dont des saignements aux gencives, des déchaussements des dents, des douleurs musculaires et articulaires, de la fatigue et des hémorragies cutanées. Ces symptômes apparaissent généralement après un à trois mois d'une diète avec un faible apport en vitamine C. Si la maladie n'est pas traitée, elle peut mener à la mort.

Éviter le scorbut est toutefois simple. L'apport quotidien recommandé en vitamine C est d'environ 75 mg à 90 mg, note M. Lavallée. Mais un apport de 10 mg par jour suffit à prévenir la maladie. En guise de comparaison, une orange contient environ 70 mg de vitamine C. « En gros, si on mange des fruits et légumes frais, on est correct pour prévenir le scorbut », résume M. Lavallée.

Guérir du scorbut est aussi simple. En augmentant l'apport en vitamine C des patients, l'amélioration de leur état est rapide, affirme le Dr Carpentier.

DES CAS EN AUSTRALIE

Plus tôt cette semaine, une dépêche de l'Agence France- Presse révélait que des cas de scorbut ont été recensés dernièrement en Australie. La directrice du Centre de recherches sur le diabète, l'obésité et l'endocrinologie de l'Institut Westmead de Sydney, Jenny Gunton, a diagnostiqué 12 cas auprès de ses patients.

« Quand je les ai interrogés sur leur régime alimentaire, une personne ne mangeait que très peu, voire pas de fruits ou de légumes frais, les autres mangeaient des légumes, mais les faisaient trop cuire, ce qui détruit la vitamine C. Cela montre qu'on peut manger beaucoup de calories sans consommer suffisamment de nutriments », expliquait-elle dans l'article de l'AFP.

De 6 à 8 %

Proportion des Américains qui présentent des carences en vitamine C suffisantes pour mener au scorbut, selon une étude réalisée par les Centers for Disease Control and Prevention en 2003-2004. Chez les populations à faible revenu, cette proportion atteint de 10 à 17 %.

Aucune donnée scientifique valable ne permet de dire si de telles proportions sont applicables au Québec. Ailleurs dans le monde, l'Organisation mondiale de la santé s'intéresse au scorbut puisque cette maladie sévit parfois chez les réfugiés et les populations recevant de l'aide alimentaire. 

La plus récente éclosion massive de la maladie est survenue en 2002 en Afghanistan après une grave sécheresse, mentionnent des chercheurs de l'Université de l'Alabama dans une étude publiée en 2008 dans le Journal of General Internal Medicine. Dans leurs études, ces chercheurs concluent qu'il est important pour les médecins de continuer à penser au scorbut dans l'élaboration de leur diagnostic, surtout pour les personnes les plus vulnérables comme les personnes présentant des problèmes de santé mentale, plus à risque d'adopter une faible diversité alimentaire. 

« Du haut de notre médecine moderne, on oublie parfois les vieux enseignements et les vieux syndromes. Mais il pourrait y avoir un bénéfice à y penser. Ce n'est jamais mauvais de se poser la question », note le Dr Carpentier.

M. Lavallée reconnaît que, dans la pratique, les carences en vitamine C ne sont quasiment jamais abordées. « Ça peut être bon de garder ça en tête », dit-il.

Hospitalisations liées à une carence en acide ascorbique au Québec

2014-2015 : 31

2013-2014 : 37

2012-2013 : 31

2011-2012 : 36

Hospitalisations liées à une anémie scorbutique

2014-2015 : 2