La haute direction du Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine vient de donner son aval à l'ouverture d'une première clinique canadienne de traitement des allergies par immunothérapie orale. Concrètement, cela signifie que des dizaines de milliers d'enfants souffrant d'allergies alimentaires graves, voire mortelles, pourraient être guéris. Il reste cependant un défi de taille : le financement.

Le Dr Philippe Bégin, allergologue et immunologue à Sainte-Justine, travaille depuis deux ans sur le projet d'ouverture de clinique qu'il a présenté cette semaine aux dirigeants du CHU. Prochainement, des pourparlers devraient être entamés avec le ministère de la Santé afin de dégager du financement. La fondation de l'hôpital sera aussi mise à contribution, comme c'est souvent le cas pour le financement de projets d'envergure.

Il faudra donc patienter un peu. Mais le Dr Bégin, aussi professeur clinique, explique que les soins ne se limiteront pas au CHU Sainte-Justine. L'objectif, dit-il, sera de permettre l'implantation des traitements ailleurs au Québec, en soutenant des allergologues en clinique.

« Il y a deux catégories d'enfants souffrant d'allergies, explique-t-il. Les polyallergiques pouvant être affectés par les noix, les arachides, le lait, certains fruits comme les kiwis, fraises, etc. Et il y a les cas moins complexes, où on pourra jouer un rôle de leader pour implanter des cliniques ailleurs. »

MISE DE FONDS NÉCESSAIRE

Afin d'assurer le démarrage de la clinique, une mise de fonds d'au moins 750 000 $ sera nécessaire. Des parents bénévoles s'activent depuis plusieurs mois pour obtenir le soutien d'une oeuvre philanthropique. Avec cette somme, le Dr Bégin estime que près de 10 000 enfants pourraient être traités en trois ans.

Le traitement des allergies alimentaires par immunothérapie orale ne date pas d'hier. Il est déjà offert dans des cliniques privées aux États-Unis, mais il est quasi méconnu au Québec. Pourtant, son taux de succès est estimé à 80-85 %. Chez certains enfants, il permet d'éliminer les réactions graves et chez d'autres, il permet d'éradiquer complètement les allergies.

Comme chaque enfant est touché par les allergies à un différent niveau, le traitement implique une supervision médicale étroite afin d'éviter un choc anaphylactique.

Dans la foulée du projet de Sainte-Justine, le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) a dévoilé jeudi les résultats prometteurs d'une recherche faite auprès d'une quinzaine d'enfants. Les Drs Bruce Mazer et Ben-Shosman, experts en allergie, comptent bientôt lancer des recherches cliniques pour traiter les allergies aux oeufs et aux noix.

L'immunothérapie orale en bref

L'immunothérapie orale (ITO) est une forme de désensibilisation destinée à traiter les allergies alimentaires. Elle consiste en une ingestion quotidienne de l'aliment allergénique (mesuré de façon précise) en suivant un calendrier débutant par des doses minimes (en deçà du seuil de réactivité du patient) et progressant jusqu'à atteindre une portion normale de l'aliment. Une fois ces doses d'entretien atteintes, le patient doit continuer à ingérer l'aliment de façon régulière pour maintenir la protection.

Les trois bénéfices potentiels de l'immunothérapie orale sont de : 

Protéger des réactions lors de contacts accidentels au quotidien ;

Réintégrer l'aliment dans la diète normale ;

Résoudre l'allergie de façon définitive (tolérance soutenue).