Un médecin montréalais vient d'être suspendu six mois pour avoir renvoyé à la maison une jeune femme arrivée aux urgences en ambulance avec des signes vitaux très perturbés sans lui donner «la moindre attention».

Elle est morte le même jour. Elle avait 20 ans.

Quang Hung Nguyen, 63 ans, a fait preuve d'«extrême négligence à l'endroit de sa patiente» en décembre 2012 à l'hôpital Santa Cabrini, malgré les nombreux rappels à l'ordre reçus au cours des années précédentes, selon le conseil de discipline des médecins. Au point où le comité «doute à présent de sa bonne volonté et même de la valeur de ses regrets et remords».

«Si cette patiente avait été investiguée et traitée adéquatement suite à sa visite durant la nuit, l'issue aurait été tout autre», selon un expert ayant analysé le cas pour le syndic du Collège des médecins. Ce dernier a qualifié la situation d'«épouvantable, très grave et inadmissible».

Le Dr Nguyen, pour sa part, porte en appel sa suspension. Il reconnaît les faits, mais son avocat Marc Dufour plaide que la suspension de six mois est injustement longue.

En outre, «ces événements lui ont fait réaliser qu'il n'était plus suffisamment en forme physiquement et émotionnellement pour travailler aux urgences», relate la décision du conseil de discipline. «Il explique que son erreur réside dans le fait qu'il s'est fié uniquement à l'indication du personnel infirmier.»

Au moins huit avertissements

La jeune victime, qui souffrait de diabète, a été transportée en ambulance aux urgences de Santa Cabrini le 23 décembre 2012 dans un état précaire: sa glycémie était extrêmement élevée, elle se plaignait de symptômes grippaux et avait des «signes vitaux perturbés de façon très significative».

Le Dr Nguyen «n'a pas questionné la patiente, n'a pas demandé la feuille de triage, pas plus que les informations recueillies par les ambulanciers», selon le syndic du Collège des médecins, qui qualifie le comportement de «grossière négligence».

Le médecin n'en était pas à ses premiers écarts en la matière: il «a été averti à de nombreuses reprises au cours des ans de ne pas faire une médecine superficielle».

Le conseil de discipline reproduit dans sa décision des extraits de huit rappels reçus du Collège. L'ordre lui demande d'être «plus minutieux dans la rédaction» de rapports, lui reproche des dossiers «superficiels et incomplets» produits rapidement pour «rencontrer des exigences de facturation» et se dit «perplexe» devant l'absence de certains examens.

Nouvelle procédure de recrutement

Me Marc Dufour, l'avocat du Dr Nguyen, a indiqué en entrevue téléphonique qu'il «porterait la décision en appel devant le Tribunal des professions». «Les sanctions qui ont été historiquement imposées pour des infractions de ce type-là [...] sont de l'ordre d'environ un à deux mois, a-t-il expliqué. Ici, le comité a donné six mois, et on estime que c'est excessif étant donné que l'on est devant un professionnel qui n'a pas d'antécédents disciplinaires.»

Le Collège des médecins n'a pas voulu commenter le dossier.

À l'Hôpital Santa Cabrini, on assure que le Dr Nguyen ne pratique plus au sein de l'établissement. «Tout est mis en place pour éviter que ce genre de situation ne se produise», a indiqué André Luyet, directeur des services professionnels pour le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l'Est-de-l'Île-de-Montréal. À présent, lors du recrutement d'un nouveau médecin, on «vérifie formellement l'admissibilité de la candidature, en demandant entre autres au Collège des médecins un certificat de bonne conduite professionnelle».

Une ordonnance de non-publication nous interdit d'identifier la victime ou ses proches.