Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barette, rejette les accusations «fausses» et «complètement farfelues» de l'ex-président du conseil d'administration du CHUM, Jean-Claude Deschênes. « Monsieur gouvernance » devrait plutôt être surnommé «Monsieur orgueil», tempête-t-il.

Jean-Claude Deschênes a annoncé dans une entrevue au Devoir qu'il claque la porte du CHUM pour la deuxième fois en cinq mois. Il refuse d'être la « marionnette » du ministre. Il lui reproche de manquer à sa parole. « J'ai fait exactement ce qui a été prévu dans tout ce qu'on a convenu. Moi, je respecte ma partie de l'entente », a répliqué M. Barrette à La Presse vendredi.

Plus précisément, Jean-Claude Deschênes se retire comme candidat au poste de président du conseil d'administration du CHUM. Il occupait cette fonction depuis le début de 2014. Il faut savoir qu'avec la loi 10 sur la réorganisation du réseau de la santé, adoptée sous le bâillon en février, tous les conseils d'administration sont suspendus depuis le 31 mars. Québec doit constituer de nouveaux CA d'ici la fin septembre.

M. Deschênes avait quitté le CHUM une première fois en mars dernier, accusant le ministre Barrette d'ingérence dans le processus de nomination du chef du département de chirurgie afin de favoriser la nomination du Dr Patrick Harris. Le PDG du CHUM, Jacques Turgeon, avait également démissionné pour cette raison.

Les deux hommes sont revenus en poste à la suite de l'intervention du premier ministre Philippe Couillard quelques jours plus tard. En conférence de presse, ils avaient vanté les qualités du ministre Barrette, sa «détermination» et son «énergie». Ils l'avaient même présenté comme un «atout majeur» pour l'avenir du CHUM. C'était une condition imposée par le gouvernement, signale M. Deschênes.

Rappelons que Jacques Turgeon a annoncé en juillet qu'il quitte son poste pour poursuivre sa carrière aux États-Unis.

Selon Jean-Claude Deschênes, le ministre Barrette a brisé des engagements qu'il avait pris pour assurer son retour au CHUM. Il avait promis de former un nouveau CA dès le mois d'avril, a-t-il raconté.

«Ça n'a jamais été dit. Je ne sais pas où il prend ça», a répliqué M. Barrette dans un entretien avec La Presse. « La seule chose qui était claire dans l'entente, c'est que sa candidature allait être considérée. Tout comme je me suis engagé sur le fait qu'il (NDLR le CA du CHUM) soit nommé en priorité. Mais en priorité, ça ne signifie pas que je vais passer par-dessus la loi. Encore faut-il que les experts fassent leur travail. Alors je ne sais pas d'où il sort ça. C'est vrai qu'on allait les nommer en priorité, mais on n'a jamais dit qu'on allait faire abstraction de la loi. »

« Jean-Claude Deschênes n'est pas au-dessus des lois, a-t-il ajouté. Et Monsieur gouvernance devrait savoir ça.  Je pense que c'est plus Monsieur orgueil. » Le ministre souligne que M. Deschênes faisait partie des trois candidatures recommandées par le comité d'experts à la présidence du CA du CHUM.

Selon M. Barrette, le nouveau CA sera formé, « comme convenu, le premier ou dans les premiers », « bien avant le 30 septembre ».

Il a mentionné que le nouveau PDG du CHUM sera quant à lui nommé le 4 septembre. Quatre candidats sont en lice pour l'instant, «et selon la rumeur, il y aurait une cinquième personne quelque part», a dit le ministre.

Autre promesse rompue aux dires de Jean-Claude Deschênes: le PDG n'a pas eu un accès direct au bureau du premier ministre en cas de problème. Il était toujours renvoyé au cabinet de M. Barrette.

Pour M. Barrette, « c'est possible » que M. Turgeon ait téléphoné au cabinet de Philippe Couillard. Mais selon les vérifications qu'il a faites, «on n'a pas frappé à la porte du bureau du premier ministre pour des sujets nécessitant l'intervention du bureau du premier ministre depuis le 1er avril». «Pensez-vous que le bureau du premier ministre va s'occuper du CHUM au quotidien?» a-t-il lancé.

Jean-Claude Deschênes soutient que le ministre est intervenu à nouveau dans le processus de nomination du chef de département de chirurgie. Le ministre Barrette réplique que le PDG du CHUM l'avait lui-même sollicité pour la nomination d'observateurs indépendants. Mais M. Turgeon n'a pas accepté les conditions du ministre. M. Barrette soutient qu'il n'est pas intervenu par la suite. Le CHUM a indiqué en juin qu'aucun candidat n'a été retenu et un autre processus de sélection devra être lancé.

«Je défie M. Deschênes de mettre en lumière une intervention que j'ai faite au CHUM, de quelque nature que ce soit, après le 1er avril, non sollicitée», a lancé M. Barrette.

Il rappelle que le commissaire à l'éthique de l'Assemblée nationale, Jacques Saint-Laurent, a conclu en juin qu'il n'était pas intervenu de manière «abusive» dans le processus de nomination en février-mars.

Les allégations de M. Deschênes, «c'est du n'importe quoi» selon lui. «Qui fait de l'ingérence? J'ai ici un individu qui considère que la loi ne s'applique pas à lui, qui considère que lui doit passer par-dessus le ministre pour tout et aller au bureau du premier ministre, qui considère que le processus prévu à la loi ne se fait pas comme il le voudrait et que la loi n'est pas bonne. C'est quoi son problème?»

Il accuse Jean-Claude Deschênes de mener « une opération strictement politique ». «Il vient de l'appareil public. Il choisit de me mettre dans l'embarras. C'est un individu qui n'est pas né de la dernière pluie. Il sait que ce qu'il fait. Pour moi, quand un homme de son expérience fait ça, c'est qu'il a une visée politique.»