Âgée de 61 ans, Andrée Fortin mène deux combats de front: l'un contre le cancer et l'autre contre son ancien employeur. Atteinte d'un cancer neuroendocrinien, elle se trouve en litige depuis plus d'un an afin d'obtenir ce qu'elle estime lui être due.

Mme Fortin a perdu son emploi en septembre 2012. Plus d'un an plus tard, sans revenus et sans emploi, elle est toujours en conciliation avec son employeur devant la Commission des normes du travail.

Mme Fortin, dont l'état de santé s'est dégradé depuis son congédiement, redoute la multiplication des procédures et craint de ne pas avoir la force physique nécessaire pour mener sa bataille.

Le cancer neuroendocrinien dont elle souffre se développe lentement et Andrée Fortin a débuté très tôt ses traitements. Une fois par semaine, elle reçoit différentes perfusions et complète par une médication à la maison.

Jamais elle n'avait pensé que sa maladie l'empêcherait de poursuivre son travail. Pendant plusieurs mois, elle s'absentait le mercredi après-midi pour se rendre à l'hôpital recevoir ses traitements. Lors de grands événements auxquels son employeur l'affectait, elle affichait toujours présente. Il lui arrivait aussi de travailler le week-end pour compenser son absence du mercredi.

Elle n'a pas cherché non plus à cacher son état à son employeur, qui savait qu'elle prenait congé le mercredi après-midi pour recevoir ses traitements.

«J'avais perdu mes cheveux, mais ça ne paraissait pas. J'étais encore toute «cute'. Et puis, comme ma maladie avait une évolution lente, je ne me suis jamais inquiétée pour mon emploi», confie Mme Fortin.

En septembre 2012, elle a travaillé à deux événements importants, l'un à Toronto et l'autre à Montréal. Après le séjour à Toronto, l'équipe s'est préparée pour celui de Montréal et à sa grande surprise, son patron lui a demandé d'être présente un mercredi, journée de ses traitements. Elle s'est donc retrouvée devant un dilemme : se présenter au travail ou recevoir son traitement. Elle a opté pour le second.

Le congédiement est survenu le mardi suivant, en fin de journée. Considérée comme une travailleuse autonome par son ex-employeur, elle n'a reçu ni indemnité ni prestations d'assurance chômage.

«J'ai été en état de choc pendant deux mois. Mes clients me téléphonaient pour demander ce qui se passait, que ça n'avait pas de bon sens», mentionne Mme Fortin.

Depuis, une joute de ping-pong s'est amorcée. Désireuse de récupérer son dû, Mme Fortin s'est tournée vers un avocat et les normes du travail.

«Aujourd'hui, sans doute que le choc subi y a contribué, je ne suis plus du tout en condition pour travailler. Mon frère m'a aidée beaucoup financièrement, mais mon frère et ma soeur n'ont pas que ça à faire avec leurs sous», a-t-elle indiqué, résolue à vouloir en finir avec le litige.

Un cas qui n'est pas unique

La Société canadienne du cancer est forcée d'admettre qu'il ne s'agit pas d'une situation isolée.

«Quand un cas sort dans les médias, d'autres personnes se manifestent», souligne Mélanie Samson, gestionnaire de projet pour les services à la population à la Société canadienne du cancer.

Mises à pied, discrimination, difficultés à se trouver un emploi avec un vécu de cancer: ces questions, sans être fréquentes, aboutissent à la Société canadienne du cancer.

Dans certains cas, il est trop tard, mais dans d'autres situations, il est possible d'aider les personnes à trouver des solutions.

«Des ressources financières, il n'y en a pas énormément. Certaines fondations aident pour les comptes, les loyers, les hypothèques. Tout dépend du type de cancer. Ce n'est jamais une garantie à 100%, mais nous référons les gens», a précisé Mme Samson.

Difficile de dire toutefois si les cas se multiplient ou non.

«Ça ne se parlait pas avant. Les gens nous téléphonaient pour de l'information sur le cancer seulement. La survivance est nouvelle. On a peut-être l'impression qu'il y en a plus, mais il y a aussi plus de survivants qu'auparavant», mentionne Mme Samson.

La Commission des droits de la personne (CDDP) confirme pour sa part que 10 dossiers ont été ouverts au cours des trois dernières années pour un congédiement lié au cancer.

Ces 10 plaintes se retrouvent parmi les 257 dossiers de congédiements liés à un handicap. Selon la CDDP, le cancer fait partie du handicap comme motif de discrimination interdit.

À la Commission des normes du travail, le responsable des relations de presse, Jean-François Pelchat, reconnaît aussi que des plaintes ont été déposées pour des représailles diverses, liées à la maladie ou à un accident.

Sans pouvoir spécifier le nombre de congédiements liés au cancer, il souligne que 1971 plaintes ont été traitées au cours de l'exercice financier 2012-2013.

«Ces plaintes déposées aux Normes du travail englobent les personnes absentes après avoir subi un accident ou qui doivent suivre des traitements pour des maladies, tant celles qui sont bénignes ou d'autres très graves», a indiqué M. Pelchat.

Les plaintes en représailles recueillies par la Commission des normes du travail comprennent tant des congédiements et l'application de journées de suspension pour des absences en lien avec la maladie ou un traitement médical.