Les épouvantails agités par certains intervenants devant la commission parlementaire sur l'aide médicale à mourir font craindre au président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), le Dr Gaétan Barrette, une mouture édulcorée du projet de loi.

Certains groupes et intervenants qui défilent en commission parlementaire depuis deux semaines associent directement l'aide médicale à mourir à l'euthanasie. D'autres veulent modifier la terminologie pour préciser entre autres que ce recours serait accessible en phase «terminale». D'autres encore avancent que des personnes atteintes de schizophrénie ou de paraplégie - qui ne sont pas des conditions mortelles - pourraient y avoir recours.

«Cela n'a strictement rien à voir», martèle le Dr Barrette. «C'est intellectuellement frauduleux», a-t-il dénoncé au cours d'un entretien avec La Presse.

Selon le président de la FMSQ, le projet de loi actuel est précis et complet. Il fait clairement référence à des patients condamnés, dont la maladie est irréversible, comme un cancer en phase avancée. Il concerne aussi les personnes atteintes d'une maladie dégénérative, comme l'alzheimer, qui auraient exprimé leurs volontés dans un document juridique au moment où elles étaient aptes à le faire.

«Le danger de cette ronde d'audition est que ça vienne amenuiser la portée de la loi», craint le Dr Barrette, choqué par ce qu'il entend actuellement en commission parlementaire.

La plupart des organisations qui défilent devant les parlementaires sont campées sur la position qu'elles avaient lors du dépôt du projet de loi, au printemps dernier.

Tout en donnant leur appui, certains proposent des nuances. Le Collège des médecins a ainsi avancé l'idée qu'il faudrait préciser «en cas de mort imminente». La Fédération des médecins omnipraticiens souhaite qu'il soit indiqué que le patient doit être «apte et majeur».

Dès qu'on veut revoir la définition des mots, il y a un risque, croit le DBarrette. «Il y a clairement des manoeuvres défensives d'édulcoration.»

Il presse d'ailleurs les parlementaires de ne pas reculer, particulièrement au sujet de l'universalité: l'aide médicale à mourir doit être accessible dans tous les hôpitaux. «Le risque, c'est comme la Charte des valeurs, que tout le monde ait une dérogation», affirme-t-il.

La position des groupes est influencée par les convictions personnelles ou religieuses. Plusieurs médecins craignent aussi que beaucoup de patients se tournent vers l'aide médicale à mourir. «Tout le monde a peur d'un tsunami, et il n'y en aura pas, de tsunami.»

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Assurance autonomie: une taxe de plus?

«J'appuie l'idée qu'on doive mettre en place des ressources appropriées pour maintenir les gens à domicile, mais je suis parfaitement conscient que le risque d'être un bar ouvert est extrêmement dangereux», affirme le Dr Barrette au sujet du projet de loi sur l'assurance autonomie qui doit être déposé cet automne. Le président de la FMSQ se demande comment le ministre de la Santé, Réjean Hébert, tracera la limite entre ce qui peut être offert et ce qui ne l'est pas. La facture bondira vite au-delà du budget prévu de 500 millions par année, croit-il. «Quand on est rendu au point où l'hygiène dépend d'une tierce personne et qu'il faut une surveillance en tout temps, c'est plus cher à la maison qu'à l'hôpital.»

Sur les intentions du ministre Hébert

Le ministre de la Santé affirme qu'il veut mettre l'accent sur le réseau public afin que les soins y soient donnés en priorité. Il veut aussi encadrer davantage la pratique en clinique privée. Sur le terrain, rien ne se fait, affirme pourtant le Dr Barrette. Le ministre veut régler la question des frais accessoires cet automne, mais «il n'y a jamais eu de discussion à ce sujet», affirme le Dr Barrette. Quant au rapatriement de certaines activités dans le réseau public, entre autres les échographies, «ça ne marchera pas», prédit le président de la FMSQ. En plus de l'équipement, le ministre devra trouver de l'espace et du personnel dans les hôpitaux. «Où va-t-il les prendre? C'est une décision purement politique, il va y avoir zéro amélioration», tranche-t-il.

Sur la performance du réseau

Il ne manque pas de médecins au Québec, affirme le Dr Barrette. Il précise qu'à la limite, il ne devrait même pas exister de listes d'attente. «Il y a assez de joueurs au Québec pour donner des services à la population. On a assez de joueurs pour que tout le monde soit content, mais on a des problèmes de gestion et de comportement.» Ainsi, des médecins de famille ne respectent pas le cadre de convention de leur groupe de médecine de famille et ne voient pas suffisamment de patients, comme l'a révélé une enquête du ministère de la Santé, tandis que de nombreux spécialistes n'ont pas suffisamment accès aux ressources et aux plateaux techniques dans les hôpitaux et se tournent alors vers la pratique privée, selon le Dr Barrette.