Malgré les protestations, les menaces et les inquiétudes, le ministre de la Santé, Réjean Hébert, ne craint pas que des professionnels de la santé désertent les hôpitaux québécois parce qu'on leur interdit d'afficher leur religion au travail.

«Ces apocalypses annoncées, on les a eues pour toutes sortes de mesures», a affirmé le ministre Hébert en entrevue à La Presse, précisant du même souffle que les menaces ne se sont jamais concrétisées.

Le dévoilement de la Charte des valeurs, qui interdit le port de signes religieux ostentatoires comme le hijab et la kippa, a semé l'inquiétude dans les hôpitaux.

Les syndicats affirment qu'en période de pénurie, les hôpitaux ne peuvent pas se permettre de perdre une seule infirmière.

Au même moment, l'hôpital ontarien Lakeridge Health diffuse à Montréal une publicité sans équivoque, destinée aux professionnels de la santé.

L'affiche montre une travailleuse de la santé qui porte le hijab. On y lit: «We don't care what's on your head, we care what's in it» (on ne se soucie pas de ce que vous avez sur la tête, mais de ce que vous avez à l'intérieur).

Une publicité qui a fait bondir le ministre. «C'est mean [méchant, mesquin], a lancé M. Hébert. C'est profiter d'un débat, d'une situation, pour faire une campagne de publicité et d'attraction pour du personnel. Je trouve que c'est indécent.»

«Il n'y a pas de chiffres»

Personne au gouvernement n'est en mesure de quantifier le nombre de médecins, d'infirmières et de travailleurs du réseau de la santé visés par l'interdiction du port de signes religieux ostentatoires.

«Je l'ai demandé, mais il n'y a pas de chiffres là-dessus», confirme M. Hébert.

Il se dit tout de même convaincu «qu'il n'y a pas beaucoup d'hôpitaux» qui demanderont une exemption pour s'y soustraire, sauf probablement «certains établissements qui ont une vocation historique pour certaines communautés culturelles». Et encore, l'exemption de cinq ans, renouvelable, doit être vue comme «une mesure de transition», rappelle-t-il.

Les grands hôpitaux de Montréal comme l'Hôpital général juif, le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), le CHU Sainte-Justine et le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) comptent tous dans leurs rangs des travailleurs portant le hijab ou la kippa.

Peu importe leur nombre, la question n'est pas là, affirme le ministre. «Les conseils d'administration sont redevables et doivent prendre des décisions dans l'intérêt de la population qu'ils desservent.»

La Charte des valeurs stipule que la laïcité de l'État signifie de laisser la religion au vestiaire quand on arrive au travail, comme les problèmes personnels ou familiaux, déclare le ministre.

«On ne dit pas que les gens ne doivent pas pratiquer leur religion, mais quand on est au service de l'État, qu'on a à faire face à des utilisateurs de toutes tendances, toutes religions et toutes origines ethniques, on doit être neutre, et c'est ce que la Charte affirme.»