Maximiser la croissance des animaux d'élevage en leur donnant des antibiotiques contribue à l'antibiorésistance chez l'humain, selon un rapport de l'Institut national de santé publique du Québec ( INSPQ) consulté par La Presse.

Interdit en Europe depuis 2006, l'usage d'antibiotiques à titre de facteur de croissance - pour les porcs et les poulets de chair - est toujours permis ici.

Donner des antibiotiques améliore «la croissance animale de 1% à 8% en moyenne», lit-on dans Les antibiotiques en production animale : les promoteurs de croissance, écrit par Pierre Chevalier, de l'INSPQ. C'est un avantage économique indéniable pour les éleveurs. Il est «plus facile d'employer les antibiotiques que de modifier les pratiques d'élevage qui demandent des investissements et du temps», souligne l'auteur.

Le danger vient du fait « qu'un micro-organisme antibiorésistant d'origine animale peut être ingéré par l'humain» dans l'alimentation et lui transmettre sa résistance aux traitements antibiotiques, explique le rapport. Ces micro-organismes peuvent aussi se retrouver dans l'environnement par les déjections.

Or, la résistance aux antibiotiques fait craindre le retour de grandes épidémies. Au Danemark, où les antibiotiques à titre de facteur de croissance ont été complètement bannis en 1998, on a enregistré «un gain notable dans une perspective de santé publique», selon l'étude. Une diminution de l'antibiorésistance envers certains groupes d'antibiotiques presque exclusivement utilisés pour maximiser la croissance des bêtes a été notée. Mais l'usage total des antibiotiques n'a pas baissé.

Un lien plausible

Pourquoi? Parce que dans les élevages, les antibiotiques sont d'abord utilisés pour des usages curatifs (quand les animaux ont une infection) et préventifs (pour prévenir les infections). Au Québec, les antibiotiques comme promoteurs de croissance ne représentent «qu'environ 20% de tous les antibiotiques» que reçoit un porc, indique le rapport.

Ces autres usages peuvent aussi contribuer à l'antibiorésistance chez l'homme. «Des données québécoises avec un antibiotique utilisé en prévention chez le poulet montrent un lien plausible», souligne l'INSPQ. Le retrait volontaire de Cetiofur (injecté aux poulets) en 2005 a été suivi d'une chute de la prévalence de la résistance à cet antibiotique chez l'humain, qui a remonté depuis sa réintroduction partielle en 2007.

Que faire? Interdire les antibiotiques à titre de facteur de croissance «pourrait avoir certains effets localisés à court et à moyen terme «, estime le rapport . Mince espoir : Santé Canada a demandé que l'efficacité de certains antibiotiques pour favoriser la croissance des bêtes soit mieux démontrée. Cela ne suffira pas, les usages curatifs et préventifs non judicieux étant «aussi problématiques, sinon plus «, selon l'étude. Un nouveau rapport sur la prévention de l'antibiorésistance et l'utilisation judicieuse des antibiotiques en prévention animale est en cours de rédaction à l'INSPQ.

Pas de traces dans les animaux abattus L'Union des producteurs agricoles (UPA) a commenté l'étude, hier. «Dans les produits d'élevage, les animaux ayant reçu des médicaments doivent respecter des périodes de retrait avant d'être abattus, afin d'éliminer toute trace possible de résidus de médicaments dans leur organisme», a assuré Patrice Juneau, porte-parole de l'UPA.

«Il faut garder en tête que de tels médicaments sont homologués par diverses instances gouvernementales et sous le contrôle de vétérinaires, a-t-il ajouté. Les agriculteurs québécois considèrent que si les autorités gouvernementales compétentes autorisent la commercialisation d'un produit, c'est qu'il est sans danger pour la santé, lorsqu'utilisé correctement. «