Plus de 120 patientes atteintes d'un cancer gynécologique sont en attente d'une intervention à l'hôpital Notre-Dame, dont une cinquantaine depuis plus d'un mois et demi. Faute de salle d'opération, les quatre gynécologues oncologues du CHUM ne peuvent faire des interventions que deux fois par semaine, avec pour résultat que les opérations pour le cancer de plus d'une dizaine de patientes doivent être reportées chaque semaine.

Tout au plus, les quatre spécialistes de Notre-Dame ne disposent que de cinq ou six heures par semaine chacun pour opérer leurs patientes. Ils passent donc le reste de leur semaine, c'est-à-dire plus de 90% de leur temps à l'hôpital, à faire autre chose que des interventions. Alors qu'il y a pourtant six nouveaux cas à opérer chaque semaine.

Exaspéré par la situation, l'oncologue du CHUM Philippe Sauthier s'est vidé le coeur dans une lettre ouverte au ministre de la Santé, publiée dans le dernier bulletin de l'Association des obstétriciens et gynécologues du Québec. Il accuse le CHUM de «gérer le flux des patientes par secteur et non dans sa globalité». Le Dr Sauthier ne manque pas non plus de reprocher au gouvernement de se fermer les yeux, et au Collège des médecins de ne pas remplir sa mission de promouvoir une médecine de qualité. Il écorche aussi au passage les gestionnaires du bloc opératoire de l'hôpital.

Très conscient qu'il s'expose à des sanctions, le Dr Sauthier a expliqué qu'il a décidé de dénoncer la situation pour ses patientes, qui, en plus du choc de la maladie, doivent vivre avec le stress de l'attente de l'opération. Il est contraint, depuis deux semaines, de diriger certaines de ses patientes vers d'autres régions, comme Québec et Trois-Rivières.

«Je vois des patientes pleurer tous les jours dans mon bureau, a expliqué le Dr Sauthier à La Presse. Cette situation perdure depuis six mois, pour moi et mes collègues. J'avais le choix de m'enflammer ou de me refroidir, j'ai décidé de m'enflammer en le dénonçant publiquement. Je ne le fais pas tant pour moi que pour la santé de mes patientes.»

Selon le spécialiste, le principal problème derrière cette incapacité à opérer le cancer de l'ovaire, de l'utérus ou d'une autre pathologie gynécologique réside dans le manque de personnel. Il manque d'anesthésistes, d'infirmières et d'inhalothérapeutes. Le Dr Sauthier déplore aussi qu'au Québec, contrairement à l'Ontario, il n'existe pas de normes pour établir des délais pour les opérations gynécologiques, selon la gravité.

La sortie du spécialiste a trouvé écho, hier, lors de la conférence provinciale sur le cancer, quand une survivante du cancer de l'ovaire a interpellé le Dr Yves Bolduc, lui enjoignant d'intervenir auprès de la direction de l'hôpital pour remédier à la crise.

«Au Québec, on a un bon accès aux interventions gynécologiques. Mais il y a un problème à Notre-Dame. On m'en a informé il y a deux semaines, a assuré le Dr Bolduc, et je trouve ça inacceptable. Il y a une augmentation du nombre de cas. Alors j'ai demandé comment on peut faire pour opérer le maximum de patientes le plus rapidement possible. Et si ce n'est pas à Notre-Dame, il faut opérer ces patientes dans un autre établissement.»

Seulement une quinzaine d'oncologues sont spécialisés dans les cancers gynécologiques dans toute la province. Si la situation du cancer du col de l'utérus est jugée stable, notamment grâce au programme de dépistage, certains cancers, tel celui de l'endomètre, sont en nette progression à cause du vieillissement de la population et de l'embonpoint.