Les inspecteurs du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ) embrassent maintenant la thèse du fromage contaminé qui laisse des traces de Listeria monocytogenes dans les comptoirs à fromage de tout le Québec. Reste à identifier le malotru.

L'histoire se répète encore. Les fromages Le Fleur de Lysé, le Rassembleu et le Fou du Roi, produits par les Fromagiers de la Table Ronde de Sainte-Sophie, dans les Laurentides, sont rappelés à la grandeur du Québec parce qu'ils sont soupçonnés d'être à la source de cas de listériose rapportés à Saint-Jérôme et à Laval.

Tard mercredi soir, le MAPAQ a avisé les consommateurs de ne pas manger les trois fromages de cette entreprise artisanale portant une date d'emballage ou une date «meilleur avant» à compter du 14 juillet car ils peuvent être porteurs de la bactérie Listeria. Le rappel couvre toutes les portions, peu importe le point de vente — il y en a 250 — où elles ont été achetées. L'usine a cessé sa production et est déjà en désinfection.

«C'est la première fois qu'on trouve la bactérie sur des fromages entiers», confirme Guy Auclair, directeur de la coordination de l'inspection des aliments au MAPAQ.

Sans accuser les Fromagiers de la Table Ronde, celui-ci pense que «notre enquête va finir par dire qu'il y a un fromage qui contamine les autres dans plusieurs points de vente au détail» à travers la province. Plusieurs échantillons de produits sont donc expertisés. «Ça ne se peut pas que tout le monde travaille mal et soit contaminé en même temps», dit M. Auclair.

Visites

Parallèlement à son enquête, le MAPAQ a entrepris hier des visites dans une trentaine d'usines québécoises de fabrication de fromage au lait cru afin de «vérifier si toutes les bonnes pratiques sont suivies». M. Auclair se dit «particulièrement soucieux de la qualité de la matière première» car il n'y a pas de pasteurisation, procédé répandu qui tue toutes les bactéries causant les toxi-infections alimentaires.

Marc-André Saint-Yves, consultant-fromager pour les Fromagiers de la Table Ronde, déplore que les fromageries soient davantage montrées du doigt que les comptoirs de fromage. «On parle d'entreprises qui ont investi 500 000 $, parfois 1 million $, avec du stainless partout et des employés habillés en blanc. On pourrait manger à terre à la grandeur», fait-il valoir.

Les propriétaires des deux succursales des Petits Délices de la région de Québec, qui ont été ciblées deux fois par des rappels de produits, se plaignent du contraire. Selon eux, les commerces au détail, surtout les leurs, font les frais d'une crise médiatique qui traîne en longueur.

Leur conseiller et porte-parole, l'ex-fromager Luc Mailloux, affirme que la bactérie n'a pas été retrouvée sur les surfaces de travail, ni dans les comptoirs des Halles de Sainte-Foy, mais sur un fromage importé dont il ne veut pas révéler le nom.

Le dossier est entre les mains de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), qui ne donne pas d'information sur le suspect avant la fin de ses

analyses.

M. Mailloux presse les inspecteurs du MAPAQ de ratisser large, très large, pour trouver «le coupable» de la contamination. «Si on ne veut pas briser la confiance des consommateurs envers les fromages artisanaux, il va falloir agir et vite», tonne-t-il.