Les compressions de 10 millions dans la recherche médicale auront des impacts «à long terme», reconnaît le ministre de la Santé, Réjean Hébert.

«Ça a un impact à long terme sur la santé des gens. À court terme, évidemment, on n'utilise pas les fonds de recherche pour donner des soins aux patients. Les soins aux patients ne sont pas, pour l'instant, touchés par les coupes dans les fonds de recherche», a déclaré le ministre, ce matin, en marge de la réunion de présession des députés du Parti québécois (PQ) dans les Laurentides.

Le Dr Hébert a déjà été chercheur au Centre de recherche sur le vieillissement de l'Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke.

Les 18 centres de recherche de la province ont lancé cette semaine une campagne-choc pour dénoncer les compressions imposées au Fonds de recherche du Québec en santé (FRQS), dont le budget passera de 79,8 à 69,8 millions de dollars. Il s'agit d'une diminution de 13%.

«De nombreux chercheurs ne se relèveront pas», avait laissé tomber le Dr Jacques Turgeon, directeur de la recherche au CHUM, lors de l'annonce de ces coupes en décembre dernier.

«Avec des coupes pareilles, on sera incapable de maintenir les plateformes de travail dans nos laboratoires, expliquait le Dr Turgeon hier à La Presse. Les travaux de nos chercheurs permettent des percées en pharmacogénétique, de dépister de façon précoce le diabète ou l'hypertension, et ce ne sont que des exemples.»

Le ministre Hébert croit que les chercheurs exagèrent. «Je pense qu'on dramatise un peu», a-t-il réagi.

Le gouvernement Marois a choisi de mettre fin à un programme temporaire mis en place par le gouvernement libéral, dit-il. «Ce programme avait une fin, et la fin est arrivée. Tout ce que mon collègue Pierre Duchesne (ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie) a annoncé, c'est qu'on ne renouvellerait pas actuellement le projet dans ces conditions-là.»



Il ajoute que les fonds accordés à la recherche fluctuent souvent d'un gouvernement à l'autre. «Si les centres de recherche ont utilisé ce programme temporaire pour financer les choses à long terme, je pense qu'ils auraient dû prévoir que ce programme aurait une fin.»



En campagne électorale, le PQ promettait pourtant d'investir davantage dans la recherche. Mais M. Hébert explique que des «priorités», cette année, ont obligé le gouvernement «à faire des choix difficiles pour atteindre l'équilibre budgétaire». Selon M. Hébert, son collègue a pris «les décisions qui lui apparaissaient raisonnables».

Et surtout, il promet qu'une nouvelle politique nationale sur la recherche sera annoncée. On y trouvera «d'autres conditions dans lesquelles on pourra stimuler la recherche», promet-il.

M. Duchesne n'assiste pas au caucus du parti. Il est à Rimouski, où commence soir la dernière des quatre rencontres préparatoires au sommet sur l'éducation supérieure.

Le ministre Hébert prépare de son côté le livre blanc de son projet d'assurance autonomie. Des consultations se dérouleront l'été prochain. Il espère déposer le projet de loi à l'automne, afin que le nouveau régime soit en place en 2014.

Hébert a le bras dans le dos, disent les libéraux

Le député libéral Pierre Reid, porte-parole en recherche, ne comprend pas comment le Dr Hébert a pu dire que les compressions de toucheront pas les patients puisqu'il s'agit de recherche clinique. «C'est d'autant plus inquiétant qu'il a été l'un des plus grands boursiers en recherche sur le vieillissement au Canada, rappelle-t-il. C'est clair que comme ministre il n'est pas seul, et qu'il a le bras dans dos. On va s'employer à lui faire comprendre l'importance de maintenir le financement lors de la reprises des travaux à l'assemblée. Il faut qu'il comprenne qu'il est train d'envoyer un bien mauvais message à nos chercheurs, dans un contexte où l'Ontario, de même que les États-Unis, dont très compétitifs financièrement pour recruter des chercheurs.»

À l'Association québécoise des établissements de santé et services sociaux (Aqesss), où Diane Lavallée vient d'être nommée à la direction, on rappelle que le gouvernement a été interpellé en décembre, dès qu'il a fait connaître son intention de couper 10 millions dans le Fonds de recherche du Québec en santé (FRQS). «À notre avis, a écrit l'Aqesss, désinvestir en recherche et en innovation nous aidera certes à boucler le budget de la province maintenant, mais les effets néfastes à moyen et à long terme sur le développement économique et social du Québec et sur sa compétitivité internationale se feront sentir très longtemps».

Le recteur de l'Université Laval, Denis Brière, est lui aussi très inquiet. «Ces compressions s'ajoutent à celles déjà annoncées dans le réseau universitaire», a-t-il annoncé par voie de communiqué. «Elles aussi, des incidences négatives sur la mission d'enseignement et de recherche du réseau. En fragilisant ainsi le réseau universitaire sur lequel s'appuie la recherche, tant en ce qui a trait à la qualité des travaux qu'à la validité des résultats obtenus, le gouvernement du Québec se prive d'un apport crucial au maintien de la qualité de vie de la population québécoise.»

- Avec Sara Champagne