Il est arrivé au Québec en héros, s'est lié avec les politiciens des plus hautes sphères et a même vu une rue baptisée en son honneur dans les plans du futur hôpital anglophone. Mais hier, à peine plus d'un an après son départ du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), le Dr Arthur Porter est officiellement devenu l'homme de l'infamie dans le réseau québécois de la santé.

Le rapport Baron n'est pas tendre pour l'ancien grand patron du CUSM, parti précipitamment en décembre 2011 et maintenant installé dans les Antilles.

Selon les auteurs, Arthur Porter se comportait comme le seul maître à bord de son navire, qu'il a mené vers le naufrage. «Dans cet établissement, tout passait par le directeur général», a résumé le Dr Michel Baron devant les journalistes.

«Le style de gestion de l'ancien directeur général a contribué à diminuer l'information nécessaire au bon fonctionnement du conseil d'administration tout en empêchant la collaboration nécessaire entre les grandes directions. Le directeur général fournissait lui-même l'information au CA de façon verbale, souvent sans l'appui de documents solides et, fréquemment, sans recours à l'expertise de ses cadres supérieurs», écrivent-ils.

Arthur Porter était uniquement préoccupé par la construction du nouvel hôpital, ont constaté les vérificateurs. «L'équilibre budgétaire ne faisait pas partie des priorités», ajoutent-ils.

Quand un journaliste lui a demandé si le Dr Porter était le pire gestionnaire jamais vu dans le système de santé québécois, le Dr Baron a eu une moue de dédain. «Ce n'était pas un administrateur de réseau de santé. Je ne peux pas le comparer aux pires: il n'en était pas un», a-t-il laissé tomber.

Le Dr Baron n'a d'ailleurs pas parlé à Arthur Porter pendant la préparation de son rapport. «Il ne m'a pas invité à son club», a lancé M. Baron à la blague. En octobre, La Presse a levé le voile sur la nouvelle vie du Dr Porter à Nassau, aux Bahamas, où il gère une clinique privée et une boîte de nuit réputée pour être l'une des plus sexy en ville.

Le ministre de la Santé, Réjean Hébert, est aussi sévère. «Le Dr Porter n'est pas le genre de gestionnaire qu'on voudrait reproduire dans le réseau. Il n'a pas fait preuve de compétence dans sa gestion et il est l'objet d'une enquête pour d'autres aspects moins reluisants de sa carrière», a-t-il dit.

Il croit maintenant que l'ancien ministre de la Santé Philippe Couillard, qui a été proche d'Arthur Porter, doit rendre des comptes sur ses liens avec le personnage honni.

«Ça m'étonne qu'on ne demande pas de comptes à Philippe Couillard. Je le lui ai déjà dit. D'autant plus qu'il revient en politique, je crois qu'on devrait lui poser des questions sérieuses sur ses relations avec le Dr Porter à cette époque», a-t-il expliqué à La Presse.

Après avoir quitté la politique, en 2008, M. Couillard est resté lié à Arthur Porter. Les deux hommes se sont associés dans une entreprise minière, Canadian Royalties. Ils ont siégé au Comité de surveillance des activités de renseignement, organisme fédéral chargé de surveiller les services secrets canadiens. Ils avaient aussi fondé ensemble une entreprise de consultants, qui n'a finalement jamais décollé.

Philippe Couillard a déjà expliqué en entrevue qu'il avait été surpris d'apprendre les soupçons qui pèsent sur son ancien associé.

En parallèle avec l'étude de sa gestion des soins, Arthur Porter est depuis plusieurs mois la cible d'une enquête de l'escouade Marteau sur les paiements douteux de 22,5 millions autorisés par des dirigeants de SNC-Lavalin afin de mettre la main sur le contrat de construction et de gestion du futur hôpital. La police soupçonne que Porter a pu être la porte d'entrée de SNC-Lavalin dans cette affaire.