Le nombre d'heures rémunérées a explosé sans justification valable au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), qui paie l'équivalent de 500 personnes additionnelles à temps plein par rapport à 2009. C'est là l'un des nombreux problèmes de gestion qui devraient entraîner l'établissement dans un gouffre financier jusqu'à maintenant insoupçonné, selon un rapport qui sera rendu public aujourd'hui.

Les chiffres qui seront dévoilés dans le rapport Baron, un travail de vérification des finances du CUSM commandé par le ministère de la Santé, donnent le tournis. Selon nos sources, ils inquiètent beaucoup le gouvernement. La Presse a pu consulter des extraits du document de 40 pages.

Ils montrent que la direction du CUSM a grandement sous-évalué ses difficultés financières dans ses communications officielles.

Dans une note interne à ses employés, Normand Rinfret, directeur général du centre hospitalier, a récemment annoncé un déficit minimum de 53,2 millions pour l'année 2012-2013 - un chiffre qui pourrait être plus élevé en tenant compte des «facteurs extraordinaires».

Or, selon le rapport ministériel, le déficit pour 2012-2013 pourrait représenter plus du double de cette somme, soit jusqu'à 115 millions, en tenant compte de certains déficits non récurrents, comme des transactions immobilières à perte et un manque à recevoir de la Fondation de l'hôpital Royal Victoria.

À titre de comparaison, l'ensemble des 183 établissements de santé du Québec a enregistré en 2011-2012 un déficit de 112 millions. Le CUSM risque donc maintenant d'être à lui seul responsable d'un trou budgétaire plus important que le déficit cumulé de tous les établissements pour la dernière année.

Le centre hospitalier devrait pourtant être en mesure de se débrouiller avec l'argent fourni par l'État, selon les vérificateurs.

«Nous n'avons trouvé aucune évidence démontrant que le CUSM n'a pas reçu sa juste part des crédits régionaux», écrivent-ils.

Une gestion douteuse

Un des problèmes ciblés par les vérificateurs est la rémunération. «L'augmentation de l'ordre de 888 000 heures rémunérées depuis 2009 [soit l'équivalent de près de 500 effectifs à temps complet] ne peut être expliquée, ni par l'augmentation des volumes d'activités ni par l'accroissement de l'intensité des soins», précise le rapport.

Les aventures immobilières du CUSM à l'époque de l'ancien directeur Arthur Porter, actuellement ciblé par une enquête de l'escouade Marteau, sont aussi jugées sévèrement par les experts ministériels.

«Le CUSM a effectué plusieurs transactions immobilières en utilisant des processus parfois hasardeux pour éviter la nécessité d'obtenir les autorisations usuelles de l'Agence de Montréal et du MSSS. Certaines de ces transactions immobilières ajoutent de fortes pressions sur le budget du CUSM», lit-on dans le rapport.

L'équipe de vérificateurs était formée de trois comptables spécialisés, sous la direction du Dr Michel Baron, ancien président-directeur général de l'Agence de la santé et des services sociaux de l'Estrie et ex-doyen de la faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke.

Leur mandat était d'étudier la gestion financière et la gouvernance du CUSM - et non le contrat de construction et de gestion du nouvel immeuble, sur lequel enquête déjà l'escouade Marteau. La police a déjà arrêté l'ex-PDG de SNC-Lavalin dans le dossier du nouvel immeuble et poursuit son enquête sur le Dr Arthur Porter.

Le budget de fonctionnement du centre hospitalier avoisine le milliard de dollars par année. Au Ministère, certains craignent que l'explosion des coûts de fonctionnement du CUSM n'ait un impact sur l'ensemble du budget de la santé au Québec.Le gouvernement peut intervenir dans la gestion d'un établissement de santé lorsque sa situation financière se dégrade trop. Il devrait annoncer sous peu la suite des choses.

Aucune vérification semblable n'est au programme pour le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM).