À la veille du dépôt du rapport de l'équipe mandatée par le ministère de la Santé pour passer au peigne fin les livres du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), La Presse a appris que l'hôpital aurait un déficit d'au moins 53,2 millions l'an prochain.

Dans une note interne envoyée la semaine dernière à tous ses gestionnaires, Normand Rinfret, directeur général et chef des opérations, impose en conséquence un régime minceur à l'ensemble de l'établissement.

«Ce déficit pourrait s'avérer plus élevé que prévu si nous prenons en compte les éléments extraordinaires. La situation est donc critique, et nous devons agir avec détermination, et ce, à tous les niveaux de l'organisation», a écrit M. Rinfret dans la note que La Presse a obtenue.

Le déficit de 53 millions prévu pour l'exercice financier 2012-2013 est énorme. À titre de comparaison, l'ensemble des 183 établissements de santé du Québec a enregistré cette année un déficit de 112 millions. De cette somme, 32,6 millions proviennent du déficit enregistré au CUSM pour l'année financière 2011-2012.

La situation au CUSM préoccupe grandement le gouvernement, qui craint même qu'elle puisse représenter un danger pour l'équilibre du budget de la Santé, qui accapare environ la moitié du budget total du Québec. Depuis le mois de septembre, un comité dirigé par le Dr Michel Baron, ancien président-directeur général de l'Agence de la santé et des services sociaux de l'Estrie et ex-doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke, fait des vérifications pour s'assurer que l'institution n'a été victime ni de lacunes administratives ni de fraude délibérée. Son rapport sera déposé demain.

«Quelques personnes-clés de l'équipe de direction ont rencontré les membres du comité Baron depuis le début de leurs travaux, il y a environ trois mois. Compte tenu des discussions, nous pouvons nous attendre à certaines recommandations qui pourraient poser des défis ambitieux pour l'institution», peut-on lire dans la lettre envoyée par M. Rinfret à ses gestionnaires.

Questionné sur les éléments «extraordinaires» qui pourraient venir gonfler le déficit du CUSM l'an prochain, le directeur des communications est resté flou et s'est borné à indiquer qu'il pourrait s'agir d'«entités externes» ou d'«entreprises» associées à l'établissement et qui ne sont «pas liées à l'administration des soins de santé».

Coupures à prévoir

Les deux années de déficit du CUSM forcent maintenant l'établissement à réviser son budget en profondeur. Dans sa lettre, M. Rinfret demande donc à chaque unité de soins de revoir ses dépenses. Au retour des Fêtes, des conseillers financiers seront jumelés à chaque service pour les aider à cibler des objectifs budgétaires, annonce-t-il. Les dirigeants ont jusqu'au 15 mars pour trouver des solutions, prévient M. Rinfret.

En 2003, le gouvernement a reconnu le sous-financement des établissements de santé. En conséquence, certains établissements sont autorisés à faire des déficits. Pour le CUSM, l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal a reconnu une cible déficitaire de 12,3 millions - que l'établissement dépasse pour la deuxième année consécutive. S'il veut respecter la loi, le CUSM devra donc, au cours des cinq prochaines années, rembourser 61,2 millions - ce qu'il devra faire en puisant à même son budget d'exploitation.

Ce régime minceur imposé aux cadres du CUSM s'inscrit dans le contexte des compressions importantes exigées lors du dernier budget dans l'ensemble du réseau de la santé afin de retrouver l'équilibre budgétaire. Le réseau montréalais devra faire des compressions de 160 millions d'ici 2014.

À cela s'ajoutent 22,7 millions dans le programme de chirurgies des hôpitaux de la métropole en 2012-2013. L'an dernier, le CUSM a réalisé plus de 34 000 chirurgies.

Même s'il est trop tôt pour déterminer l'impact sur les soins, il est clair que l'ensemble de ces compressions risque de faire très mal au CUSM, qui regroupe six hôpitaux.