Le Dr Réjean Hébert doit se préparer à une collision frontale. Jeudi, l'ensemble des directeurs d'hôpital du Québec se prépare en effet à lui dire que son objectif de compressions de 50 millions dans le secteur de la chirurgie est irréaliste. Selon eux, on ne peut pas faire de telles coupes si tard dans l'année sans rogner sur les services.

Dans les agences de la santé, comme dans l'ensemble des établissements, on fourbit les armes en prévision de cette rencontre, statutaire, du ministre avec l'ensemble du réseau hospitalier. Ces face-à-face instaurés par Philippe Couillard devaient avoir lieu chaque année, mais le dernier remonte à deux ans. La réunion amène au Centre des congrès de Laval pendant toute la journée les présidents des conseils d'administration ainsi que les directeurs d'établissement et d'agence. Le ministre voit généralement tout le monde à la fin de cette journée organisée par le Ministère.

La Presse a révélé jeudi que le budget de la santé comptait pour la moitié des dépassements de dépenses ciblés - 400 des 800 millions annoncés en septembre par le ministre sortant des Finances, Raymond Bachand. Le temps presse pour trouver une solution. Avec le budget de 18 mois de la semaine prochaine, Québec rendra publiques ses prévisions d'allocation aux ministères pour le reste de l'année et pour l'an prochain (2013-2014).

Pour atteindre sa cible de compressions, le ministre Hébert veut réduire du quart les sommes versées aux hôpitaux pour la chirurgie. Selon Québec, une partie des sommes allouées vont à l'administration, déjà payée à même le budget général de l'établissement. Certains honoraires témoignent d'une époque où les interventions étaient plus complexes - la technologie permet maintenant de multiplier les opérations dans une journée, notamment pour les cataractes. Le Dr Hébert, qui estime «payer en double» des frais liés à l'administration, affirme que cette ponction ne réduira pas les services. Pour les établissements, ces sommes sont déjà intégrées et permettent de maintenir les budgets à flot. Cet argent en périphérie de l'intervention sert par exemple à la réadaptation.

Or, vendredi, derrière des portes closes, Lise Denis, présidente de l'Association des établissements de santé, a bien indiqué au ministre qu'il serait impossible de faire ces compressions aux yeux des établissements. Cette décision arrive de surcroît en fin d'année financière - sabrer 50 millions dans les quatre mois qui restent de l'année équivaut à une ponction du triple en un an, soit 150 millions.

Le ministre Hébert doit s'attendre à une rencontre houleuse, jeudi, puisque personne ne voudra dire que ces ponctions peuvent se faire sans réduire les services aux patients.

La Presse a obtenu les nouveaux barèmes que veut appliquer Québec pour le paiement des interventions supplémentaires - un budget spécial débloqué en 2003 sous Philippe Couillard, qui était reconduit depuis 10 ans. Québec payait en moyenne 4526$ pour une intervention, l'an dernier. Cette somme sera réduite d'environ 25%, à 3127$, pour l'année en cours, selon le plan du Dr Hébert.

Pour une prothèse du genou, Québec versait 8598$ aux établissements. Le chèque sera ramené à 5900$. Pour une prothèse de la hanche, on passe de 9200$ à 6400$. La pose d'un implant cochléaire, financée à hauteur de 37 000$, ne rapportera plus que 25 700$.

Le ministre Hébert a aussi demandé 30 millions aux agences régionales de la santé, à même des budgets non distribués encore. Le Dr Hébert compte également faire des économies de 125 millions sur les médicaments, par la renégociation de prix avec les entreprises génériques, semble-t-il.

Dans le réseau de la santé, on pensait que le ministre comptait remettre en question les ententes coûteuses sur la rémunération avec les médecins - une hypothèse que le gouvernement a formellement niée à La Presse, dimanche soir.