Près de quatre mois après avoir annoncé son intention, Québec s'adresse aux tribunaux pour empêcher le gouvernement fédéral de détruire les données du registre des armes à feu.

Une demande d'injonction a été faite mardi matin en Cour supérieure.

Les conservateurs ont non seulement aboli le registre des armes d'épaule, mais ils ont ordonné la destruction «quasi immédiate» des données du registre, ce qu'ils n'avaient jamais évoqué lors de la dernière campagne électorale. Ils voulaient ainsi empêcher les provinces de créer leur propre registre à partir de ces données. La loi, adoptée à la mi-février, doit recevoir la sanction royale cette semaine pour entrer officiellement en vigueur.

Selon le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, le gouvernement Harper a «outrepassé ses compétences» et «enfreint les principes essentiels favorisant une gouverne efficiente en système fédéral». Le registre a été mis sur pied notamment par des organismes de compétence provinciale, a-t-il rappelé.

Le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, s'était rendu à Ottawa l'automne dernier pour plaider sa cause. Mais Ottawa a fait la «sourde oreille», déplore-t-il.

Le gouvernement Harper refuse de dire si les données du registre ont déjà été détruites. Le registre a coûté environ 1 milliard de dollars. Par leurs impôts, les Québécois ont payé 250 millions pour ces données.

Le ministre Dutil veut créer un registre québécois des armes à feu. Mais il ne le fera pas s'il doit reprendre le travail à zéro pour amasser les données. Les coûts seraient «prohibitifs».

Selon une évaluation préliminaire faite l'automne dernier, la création d'un nouveau registre coûterait 35 millions. «Ça me semble sous-évalué, surtout quand on regarde ce que ça a coûté au fédéral [...] Je pense qu'on est en dessous, et de beaucoup», avait déclaré M. Dutil en décembre dernier.

Québec contestera la «validité constitutionnelle» de l'article 29 de la Loi sur l'abolition du registre des armes d'épaule. Cet article ordonne au commissaire des armes à feu de détruire «dès que possible tous les registres et fichiers» ainsi que «toute copie».

Le ministre Fournier n'a pas voulu préciser quels arguments Québec entend invoquer, mais des spécialistes consultés par La Presse l'automne dernier avaient estimé que la cause serait difficile à plaider.

Les ministres Dutil et Fournier rappellent qu'il y a «consensus» au Québec sur cette question. Différentes associations de policiers de même que les groupes féministes et de défense des victimes appuient notamment leur démarche.

Selon Québec, 1 563 873 armes à feu d'épaule - ou arme sans restriction - sont enregistrées.