Pris à tort pour un voleur, un Montréalais a été violemment rudoyé par des policiers sur son propre terrain pendant qu'il sortait les ordures, il y a 10 jours. L'employé d'Hydro-Québec raconte avoir été mis en joue et plaqué au sol par six agents qui lui ont passé deux paires de menottes. Il s'en est tiré avec plusieurs contusions et un oeil tuméfié.

L'homme s'apprête à déposer une plainte en déontologie contre les policiers impliqués dans cette erreur. Malgré la méprise, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) estime avoir usé de la force nécessaire dans les circonstances, car il affirme que l'homme a résisté.

Depuis le 4 janvier, Denis Cloutier est en congé de maladie. Sur le formulaire de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), le médecin a écrit qu'il a été victime d'un acte criminel. L'homme de 51 ans souffre de contusions à l'oeil gauche, au pouce gauche et à l'épaule gauche. Son poignet est marqué par une coupure. Et tout cela, dit-il, ce sont des policiers qui le lui ont infligé.

Dans la nuit du 3 au 4 janvier, le Montréalais est rentré chez lui après son quart de travail. Vers minuit, il est monté à son condo de la rue Casgrain et, toujours vêtu de son uniforme d'Hydro-Québec, est ressorti avec des sacs à ordures. Pendant ce temps, les forces de l'ordre sillonnaient le quartier à la recherche d'un voleur correspondant à sa description. Lorsque les patrouilleurs ont aperçu M. Cloutier, ils ont cru qu'il était l'homme qu'ils cherchaient.

«J'ai ouvert la clôture avant de mon terrain pour mettre les sacs sur le trottoir et j'ai vu la pointe d'un fusil devant mon visage, raconte-t-il. Puis, un homme s'est mis à hurler: "À terre! À terre! "» Sur le coup, Denis Cloutier dit ne pas avoir compris ce qui se passait. Puis, il a reconnu l'uniforme du policier. «J'ai levé les mains et j'ai dit que je n'avais rien fait. Il a continué à me crier de me coucher, alors j'ai mis les genoux et les mains au sol, explique le quinquagénaire. J'ai vu des ombres arriver en courant et une main a poussé mon visage dans la neige. La pression était tellement forte que je n'arrivais pas à respirer. Je pensais que j'allais mourir. J'avais de la neige dans la bouche, dans le nez, même dans les oreilles.»

Deux paires de menottes

Au terme de ce qui lui a semblé une éternité, il se serait retrouvé les mains liées par non pas une, mais deux paires de menottes. Les agents l'ont ensuite fouillé. M. Cloutier n'avait aucune arme sur lui.

Il raconte que les policiers l'ont finalement redressé sur ses pieds avant de le plaquer sur une des voitures de police. Ils l'auraient fouillé de nouveau avant de l'asseoir dans le véhicule.

«Ils m'ont demandé qui j'étais. J'ai répondu que j'habitais là.» Au même moment, son voisin, témoin de la scène qui s'est déroulée juste sous sa fenêtre, est sorti. «Je venais de reconnaître Denis, explique-t-il. Je n'en revenais pas. J'ai senti que c'était mon devoir d'aller les aviser que c'était lui. Je ne pouvais pas croire qu'il avait fait quelque chose de mal.» Après avoir identifié M. Cloutier, les agents l'ont libéré en lui disant qu'il avait été pris pour quelqu'un d'autre. Aucune accusation n'a été déposée contre lui.

Ébranlé, il est allé trouver refuge chez le voisin qui venait de le secourir. «Il était mal en point, raconte ce dernier. Il saignait et il avait l'oeil enflé comme un boxeur qui sort de 10 rounds.» Denis Cloutier s'est rendu sur-le-champ à l'hôpital, où un médecin lui a accordé trois semaines de congé de maladie. Le SPVM estime que ses policiers ont agi dans les règles de l'art lorsqu'ils ont immobilisé l'homme. «Il avait la même description que celui qui était recherché: environ le même âge et les mêmes vêtements. Quand les agents ont voulu l'identifier, il n'a pas collaboré du tout, affirme le sergent Laurent Gingras. Les policiers ont usé de la force nécessaire dans les circonstances et l'ont menotté pour leur propre sécurité.»

Denis Cloutier n'est pas du même avis. Il jure être resté poli pendant toute la durée de l'intervention. «C'est vrai que les policiers ont eu de la difficulté à me menotter, mais je ne suis pas souple, alors ils n'arrivaient pas à ramener mes bras derrière mon dos. Ce n'est pas une raison pour me blesser.» Son voisin, qui a vu une bonne partie de l'intervention, jure qu'il n'a perçu aucun signe de résistance de sa part.