Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) n'est pas au bout de ses peines. Un homme qui se dit victime d'«abus policiers» tente désespérément de mettre la main sur les images de son arrestation, captées par une caméra de surveillance.

L'incident est survenu le 24 octobre dernier, vers 3h30 du matin, au moment où Didier Berry sortait d'un bar avec trois de ses amis. Une intervention policière avait lieu quelques mètres plus loin, à l'intersection de la rue Saint-André et du boulevard De Maisonneuve.

Sociologue et cinéaste de profession, l'homme de 34 ans s'est emparé de son téléphone cellulaire pour filmer la scène. Un agent a demandé à son petit groupe de se disperser et a ajouté: «Si vous n'êtes pas contents, vous pouvez toujours écrire une lettre à Nicolet (l'École nationale de police du Québec).»

«Un de mes amis a lancé à la blague qu'il aimerait bien avoir un cahier de notes, pour bien noter cette indication-là, raconte Didier Berry. Je pense que le policier n'a pas aimé sa réponse. Ils sont venus pour nous saisir.»

Arrestation musclée

L'affaire a rapidement tourné au vinaigre, et plusieurs policiers seraient arrivés en renfort. M. Berry, qui avait encore son téléphone à la main, raconte qu'on l'a pris par le bras droit et poussé à terre tout en l'étranglant. «À chaque coup qu'ils m'infligeaient, ils me disaient: "Ça, c'est pour tout le mal que tu as fait" et "Tu vas payer pour tous les autres."»

Didier Berry s'est évanoui pendant quelques minutes. Lorsqu'il est revenu à lui, il était menotté. «Les policiers riaient et ils m'ont donné un coup de pied dans les parties génitales, ajoute-t-il, la voix étranglée. J'ai cru pendant un moment que j'allais mourir.»

Il a ensuite été conduit à l'hôpital Notre-Dame, où les médecins ont relevé un traumatisme crânien, une fracture du nez et des contusions musculaires. Il reproche aux policiers leur insouciance. «On m'a déposé sur une chaise et, quand j'ai ouvert les yeux, j'ai réalisé qu'on m'avait laissé tout seul dans le sous-sol, dit-il. En quittant l'hôpital, j'ai constaté que les policiers avaient glissé discrètement dans la poche de mon manteau une accusation d'entrave et de voies de fait.»

Vidéo à l'appui

Quelques heures après l'accrochage, le cinéaste a découvert qu'une caméra de surveillance, placée en haut d'un poteau près de l'endroit où avait eu lieu l'incident, avait sans doute tout filmé.

Selon M. Berry, cette caméra appartient à la police. «La Ville de Montréal me l'a confirmé par lettre, explique-t-il. C'est une preuve concrète de ce qui s'est passé. Ces images montrent qu'il s'agit d'une intervention punitive.»

Le sergent Laurent Gingras, porte-parole du SPVM, n'a toutefois pas voulu confirmer à La Presse que la caméra appartient bien à la police: «Il y a plusieurs de nos caméras dans les rues, notamment rue Saint-André, mais les enquêteurs ne peuvent pas me confirmer que celle-là nous appartient», a-t-il dit.

Quant aux images, aucun superviseur du SPVM ne semble les avoir visionnées. «Personnellement, je ne les ai pas vues. Si c'est pertinent pour une enquête, ce sera regardé, c'est certain», a dit M. Gingras.

Quoi qu'il en soit, Didier Berry a fait une demande d'accès à l'information pour obtenir les images. «Il me semble que, dans des cas d'accusations aussi graves, il est important que les deux parties puissent utiliser ces éléments de preuve», dit-il.

Le SPVM lui a expliqué, par écrit, que toute demande d'accès à l'information fait l'objet d'une réponse dans un délai maximum de 20 jours.

Didier Berry a fait appel à un avocat et songe sérieusement à porter plainte devant le comité de déontologie policière. «C'est quelque chose qu'on évalue, c'est certain. On a quelque chose de solide et je suis capable de me défendre si on a la vidéo.»