C'était un ami apprécié, un étudiant, un bon employé. Pendant que les proches de Jun Lin encaissent difficilement l'horrible fin de son aventure canadienne, ses parents envisagent de traverser la moitié de la planète pour venir récupérer les restes de leur fils, victime de celui que l'on surnomme désormais le dépeceur.

Selon le responsable du service de presse et politique du consulat général de la République populaire de Chine à Montréal, Xu Zheng, c'est pour s'assurer du suivi de l'affaire et s'occuper de rapatrier le corps que les parents de la victime viendront probablement à Montréal. «Nous mettons tout en oeuvre pour les accueillir et leur porter secours», dit-il.

Dans l'entourage de Lin, c'est l'épouvante. «C'est tellement horrible ce qui est arrivé», confie un ami proche qui l'a rencontré dans une fête. Il nous a parlé à la seule condition que son nom ne soit pas révélé. Il a peur. «Je me sens extrêmement stressé à cause de tout ça et ma famille s'inquiète beaucoup», dit le jeune homme, qui a choisi de partir de Montréal, où il fait ses études, à cause du drame.

Un rêve devenu cauchemar

Comme lui, c'est pour étudier que Jun Lin, 33 ans, a quitté sa ville de Wuhan en juillet dernier. Mais le rêve d'une vie meilleure s'est vite transformé en un cauchemar inimaginable.

L'aventure canadienne du jeune chinois, qui se faisait appeler Patrick en anglais, semblait pourtant bien commencée. Il avait des amis et une vie sociale active. Selon ses proches, il se débrouillait bien en anglais et connaissait même quelques mots de français. Depuis septembre, il suivait une formation en informatique à l'Université Concordia. Il avait même un emploi dans un petit dépanneur de la rue Wellington, où il travaillait une dizaine d'heures par semaine.

«C'était un bon employé. Il était fiable, doux, gentil. Il travaillait bien. C'était une personne parfaitement ordinaire», dit le propriétaire du commerce, Kankan Huang. L'homme est bouleversé. C'est dans les médias qu'il a appris la mort infiniment violente de son employé. «C'est triste. Tellement triste», murmurait-il d'une voix monocorde alors que des clients faisait la queue pour payer. Ils étaient nombreux à lui dire avoir vu «son ami» dans le journal. La dernière fois qu'il a parlé au défunt, c'était le 24 mai, jour présumé de son assassinat.

Dans les jours suivants, plusieurs proches de Jun Lin sont passés au dépanneur, inquiets de ne pas avoir de nouvelles. M. Huang aussi s'est inquiété. Le 29, à la demande d'un ami de Lin, le consulat chinois a publié un avis de recherche sur son site web. «J'étais allé voir s'il était à son appartement», a raconté l'homme, aussi d'origine chinoise, au Toronto Star. «Son sac à dos et ses chargeurs de téléphone portable étaient là. Son chat n'avait pas été nourri. Il n'avait pas l'air d'être parti en vacances.»

Vendredi soir, l'appartement du troisième étage d'un immeuble de la rue Forest Hill où Jun Lin venait d'emménager était vide. Les policiers sont allés y interroger quelqu'un et en seraient ressortis avec plusieurs sacs, ont raconté des témoins. Le nom du mort figure toujours dans le registre des locataires à l'entrée. Tout comme sur celui de l'immeuble de la rue Saint-Mathieu où était son ancien logement, situé tout près de l'Université Concordia.

La nouvelle et les circonstances de sa fin ont créé une véritable onde de choc dans l'établissement scolaire, dont plusieurs pavillons ont a été assaillis par les médias hier matin. «C'est absolument terrible, s'est exclamé le président de l'Association étudiante de génie et informatique de Concordia, Ali Talhouni. Je ne le connaissais pas personnellement, mais juste de penser que c'est un membre de notre association, ça me donne froid dans le dos.» L'Association a tenu une réunion d'urgence hier soir afin de déterminer la meilleure façon de se rendre utile. La direction de Concordia offrira pour sa part de l'aide psychologique aux étudiants et professeurs qui en ont besoin.