(Ottawa) Les masques bleus clairs côtoyaient les coquelicots rouges, jeudi, en ce frisquet matin de novembre, alors que les Canadiens retrouvaient les cénotaphes et monuments commémoratifs un peu partout au pays pour se souvenir et rendre hommage à ceux qui sont morts au service du pays et pour la liberté.

Les cérémonies du jour du Souvenir de cette année contrastaient fortement avec celles de l’année dernière, en pleine deuxième vague de la pandémie, alors que les organisateurs avaient découragé les citoyens d’y assister en personne.

Depuis la fondation du pays, plus de 2,3 millions de Canadiens ont revêtu l’uniforme militaire et plus de 120 000 ont fait le sacrifice ultime de leur vie.

À Ottawa, des milliers de personnes se tenaient tranquillement derrière des barrières métalliques alors qu’un vent froid arrachait des feuilles aux arbres près du Monument commémoratif de guerre du Canada, tandis que des dignitaires politiques et militaires se tenaient silencieusement au garde-à-vous avant de déposer des couronnes.

Parmi les personnes présentes se trouvaient la gouverneure générale, Mary May Simon, la nouvelle ministre de la Défense, Anita Anand, et le chef d’état-major par intérim, le général Wayne Eyre, qui assistaient tous à leur première cérémonie du jour du Souvenir dans leurs fonctions actuelles.

Mme Anand, qui a prêté serment en tant que ministre de la Défense il y a à peine trois semaines, a remplacé Harjit Sajjan après des mois de critiques sur sa réponse aux allégations d’inconduites sexuelles qui visent les plus hauts échelons des Forces armées.

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Un vétéran dépose un coquelicot sur la tombe du soldat inconnu à Ottawa.

« La première chose que nous devons faire le jour du Souvenir est de nous rappeler les sacrifices que nos soldats passés et présents ont faits pour notre pays », a déclaré Mme Anand. « Et mon rôle en tant que ministre de la Défense nationale est de m’assurer que les Forces armées canadiennes continuent d’être une institution où tout le monde peut se sentir en sécurité, respecté et protégé. Et c’est ce que je continuerai de faire chaque jour. »

La gouverneure générale Simon a noté de son côté qu’on soulignait cette année le 70e anniversaire de la bataille de Kapyong, pendant la guerre de Corée, et le 15e anniversaire de la mort de la première Canadienne au combat, la capitaine Nichola Goddard.

Le coquelicot a 100 ans

Le jour du Souvenir de cette année marque également le centenaire du coquelicot, symbole du souvenir dans ce pays, inspiré par le poème de John McCrae « In Flanders Fields ».

« Nous sommes morts/Nous qui songions la veille encor’/À nos parents, à nos amis/C’est nous qui reposons ici/Au champ d’honneur. »

Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré jeudi que 100 ans plus tard, le coquelicot demeure un symbole indubitable des jours sombres.

Au Monument commémoratif de guerre du Canada, à Ottawa, on a fait à nouveau lecture de l’« Acte du Souvenir » en anglais, en français et dans une langue autochtone — cette année la langue métchif, parlée par des Métis. L’« Acte du Souvenir » est un extrait du poème « For the Fallen », de Laurence Binyon : « Quand viendra l’heure du crépuscule/Et celle de l’aurore/Nous nous souviendrons d’eux ».

M. Trudeau et Mme Simon sont arrivés de longues minutes plus tard que prévu, à cause de la découverte d’un colis suspect près du cénotaphe. La cérémonie était déjà en cours lorsque la Gendarmerie royale du Canada a dégagé le colis en toute sécurité, permettant aux dignitaires d’arriver.

Des défilés annulés

La Légion royale canadienne avait annulé encore le défilé traditionnel des anciens combattants à Ottawa, qui a vu dans le passé des vétérans très âgés de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée défiler aux côtés de militaires plus jeunes, de missions et de conflits plus récents.

Des cérémonies solennelles se sont aussi déroulées dans d’autres communautés à travers le pays, notamment à Toronto, Halifax, Saint-Jean, Iqaluit et Charlottetown.

À Montréal, où le public n’était pas invité à se présenter en personne, quelques dizaines de militaires et une poignée de dignitaires se sont réunis pour une cérémonie devant le cénotaphe de la place du Canada.

À Québec, le premier ministre François Legault a assisté à une cérémonie sur les plaines d’Abraham et rencontré la veuve d’un soldat. La veille, il avait inauguré dans le secteur de la base de Valcartier la route Léo-Major, héros québécois de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée.

Les vétérans blessés dans leur âme

Le chef conservateur, Erin O’Toole, lui-même un vétéran de l’armée de l’air, a indiqué que « nos anciens combattants et ceux qui servent aujourd’hui représentent ce qu’il y a de mieux dans le fait d’être un Canadien ».

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Le premier ministre Justin Trudeau a participé aux commémorations jeudi.

Le chef du Bloc québécois, Yves‑François Blanchet, a rendu hommage aux « militaires québécois et québécoises (qui) ont démontré un sens du devoir et de l’engagement peu commun ».

Son collègue Luc Désilets, porte-parole du Bloc auprès des Anciens Combattants, a souligné de son côté que plusieurs vétérans avaient aussi « succombé, en marge de la société, aux affres de blessures physiques et psychologiques profondes et largement ignorées ».

Le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, a lui aussi souligné la souffrance de certains vétérans. « Depuis trop longtemps, le gouvernement ne répond pas à leurs besoins, ce qui explique l’augmentation du taux d’itinérance et des problèmes de santé mentale chez celles et ceux qui ont servi notre pays », a-t-il soutenu.

En prévision du jour du Souvenir, cette année, des questions avaient été soulevées quant à la possibilité de mettre le drapeau canadien en berne le 11 novembre alors qu’il l’était déjà depuis la mi-mai en hommage aux enfants qui sont morts dans des pensionnats fédéraux pour Autochtones.

Le gouvernement a finalement donné la consigne dimanche de hisser le drapeau canadien sur les édifices publics, afin de pouvoir le mettre en berne à nouveau jeudi. L’unifolié avait aussi été remis en berne lundi, Journée nationale des anciens combattants autochtones.