Des groupes communautaires dénoncent la directive administrative du gouvernement du Québec qui suspend les prestations d'aide sociale à un bénéficiaire qui quitte la province pendant plus d'une semaine.

Cette règle du «7-15» a été mise en place en 2015 dans le cadre d'une réforme adoptée par le gouvernement libéral de Philippe Couillard pour réintégrer les bénéficiaires de l'aide sociale au marché du travail. Les bénéficiaires qui passent à l'extérieur du Québec plus de sept jours consécutifs, ou 15 jours cumulatifs au cours d'un même mois, sont automatiquement suspendus de ce programme social. Ils doivent alors se réinscrire, en plus de rembourser les sommes reçues alors qu'ils n'étaient pas admissibles.

Des militants pour les droits des plus démunis soutiennent que cette règle pénalise certaines catégories de bénéficiaires, notamment les immigrants et les femmes qui doivent se rendre à l'étranger pour un proche malade ou décédé, voire pour un mariage.

Sheetal Pathak, de l'organisme communautaire montréalais Projet Genèse, soutient que des bénéficiaires, qui se sentent déjà isolés ou déprimés, se privent d'une telle visite qui aurait pourtant un impact important sur leur vie.

Arrivée au Canada il y a 28 ans, Carmensita Sapanta a travaillé toute sa vie dans le commerce de détail et les manufactures, mais l'épilepsie l'a finalement contrainte à quitter le marché du travail. En 2016, lorsque sa mère est tombée malade aux Philippines, un proche lui a payé le voyage pour aller veiller sur elle pendant six semaines.

À son retour, Mme Sapanta a appris que l'aide sociale lui avait été coupée. Après s'être réinscrite au programme, elle a dû rembourser une partie de son chèque mensuel de 600 $. Comme la plupart des bénéficiaires de l'aide sociale, elle ne peut vraiment compter sur ses économies pour retomber sur ses pieds.

«J'avais promis à ma mère que je retournerais la voir avant sa mort», a raconté Mme Sapanta, en retenant ses larmes, lors d'une conférence de presse, mercredi à Montréal. Craignant de perdre encore ses prestations, elle a finalement renoncé à ces derniers adieux.

Plusieurs de ces bénéficiaires ont manifesté mercredi devant le Tribunal administratif du Québec à Montréal, à l'invitation du collectif «Pauvre + Captif». Ce tribunal entendait mercredi la contestation de cette mesure.

Chaque province élabore ses propres règles d'admissibilité à l'aide sociale, mais le Québec serait particulièrement sévère à ce chapitre, selon Mme Pathak. La Colombie-Britannique, l'Île-du-Prince-Édouard et les Territoires du Nord-Ouest, par exemple, suspendent les prestations après 30 jours d'absence temporaire. L'Ontario, comme le Québec, peut les suspendre après sept jours, mais cette province permet aux bénéficiaires de demander un séjour plus long.

«La Constitution nous confère à tous le droit de nous déplacer librement au Canada, et nous croyons que les bénéficiaires de l'aide sociale devraient avoir les mêmes droits», a plaidé Mme Pathak, mercredi.