Un psychologue vient d'être radié pendant trois mois pour avoir laissé croire à une ado de 13 ans victime d'hallucinations qu'elle pourrait avoir un « don paranormal » et avoir reconduit une patiente en phase terminale chez un médium.

Jean-Pierre Allaire, qui travaille en Mauricie et dans l'est du Québec, croit à la véracité des sciences occultes et a laissé cette croyance influencer son travail à au moins deux reprises, révèle une décision du comité de discipline de son ordre professionnel.

S'écarter de la science et baser sa pratique sur le paranormal est une « faute déontologique grave », d'autant plus qu'elle implique « deux clientes vulnérables », tranche la décision. Le professionnel a plaidé coupable aux accusations déontologiques, mais plaidait pour faire alléger sa sentence.

En 2012, alors qu'il travaille pour le CSSS de Rimouski-Neigette, M. Allaire est assigné au dossier d'une jeune fille de 13 ans qui « ne va pas bien » : elle est suicidaire et souffre d'hallucinations « omniprésentes », selon la décision. « Des voix lui disent de se tuer, elle fait des cauchemars et se dit épuisée. »

C'est l'adolescente elle-même qui avance la possibilité qu'elle soit dotée d'un don paranormal. « L'intimé lui dit qu'il se pourrait qu'elle ait un don. Il demande à l'adolescente de ne pas discuter avec son psychiatre traitant de la présence de ses hallucinations visuelles et auditives pour que celui-ci n'augmente pas la dose d'antipsychotiques », explique le comité de discipline. Le même jour d'avril 2012, le psychologue « informe l'adolescente qu'il connaît un médium capable de déterminer si elle a un don ». Il le consulte lui-même depuis de nombreuses années.

Au cours du même mois, Jean-Pierre Allaire reçoit une femme de 34 ans condamnée par un cancer du foie incurable. Il lui reste de 2 à 3 mois de vie.

Lors de leur rencontre, le psychologue la réfère à un médium. « La cliente se montre d'abord sceptique », mais « elle accepte finalement de s'y rendre sachant qu'elle n'a plus rien à perdre, vu sa mort imminente », écrit le conseil de discipline. « Elle tente par tous les moyens de sauver sa vie. » C'est M. Allaire qui la reconduira chez le médium.

Le psychologue est suspendu par le CSSS de Rimouski-Neigette quelques jours après ces événements, avant de démissionner deux mois plus tard.

Jean-Pierre Allaire et son avocate Julie-Véronique Allaire n'ont pas rappelé La Presse.

Selon la décision, il a toutefois blâmé ses supérieurs au sein du réseau public pour lui avoir confié le dossier d'une patiente mineure, alors qu'il avait exprimé ses réticences à cette idée. « Il avait l'intention de préciser le diagnostic de l'adolescente en la référant à un médium », selon ses explications relayées par le conseil de discipline. Quant à la malade condamnée par son cancer, il a dit avoir posé un acte de « charité humaine » par « compassion ».

Il demandait une radiation cumulative d'un mois, alors que la syndique de l'Ordre en demandait cinq. Le conseil de discipline a tranché à trois mois, ainsi qu'une amende de 2000 $. Ses membres veulent aussi que Jean-Pierre Allaire se soumette à une formation et à une supervision partielle de ses activités.