L'ensemble des résidants de la zone sud de Malartic devraient être jugés vulnérables et être par conséquent admissibles au rachat de leur maison par la minière Canadian Malartic.

C'est ce qu'est venu dire, en substance, Stéphane Bessette, de la Direction de la santé publique du CISSS de l'Abitibi-Témiscamingue, lors de la deuxième journée d'audience du BAPE sur le projet d'extension de la mine, mercredi soir.

Il y a un mois, la minière a présenté une version préliminaire de son «guide de cohabitation». Ce document prévoit des barêmes pour compenser financièrement les résidants de Malartic pour les inconvénients qu'ils doivent subir en raison du bruit, des sautages et de la poussière occasionnés par l'exploitation de la mine à ciel ouvert, la première au Canada à être établie en milieu habité.

Le guide comprend aussi un programme de rachat des maisons des propriétaires «vulnérables», «selon la définition et les critères qui auront été retenus».

Or, selon M. Bessette la notion de vulnérabilité, telle qu'elle est définie dans le Programme national de santé publique, s'applique «à l'ensemble de la zone A», soit le secteur situé dans la partie sud de Malartic, entre la voie ferrée et la fosse de la mine. «Même s'il y en a des plus vulnérables que d'autres, de façon générale, on parle d'une population vulnérable», a-t-il dit en réponse à une question d'une citoyenne.

En entrevue téléphonique mercredi, M. Bessette a dit voir un «danger» dans la volonté de la minière de «prioriser les rachats en fonction de la vulnérabilité». «Il y a une volonté dans le guide de cohabitation de faire une priorisation dans les rachats de maison parce que le budget est limité», souligne-t-il.

Selon lui, on risque ainsi de créer des effets pervers, comme par exemple de privilégier le rachat de la maison d'un propriétaire à la santé fragile aux dépens d'un autre propriétaire en bonne santé physique qui subit pourtant les mêmes impacts psychosociaux. «Ça risque de créer des impacts psychosociaux additionnels», estime-t-il.

La première version du guide a été très mal reçue par les principaux groupes de citoyens. «Une insulte», a dit à La Presse le porte-parole du Comité des citoyens de la zone sud de Malartic, Louis Trottier, la semaine dernière.

La minière a prévu un budget de 6,8 millions pour le rachat de 45 maisons et de 3 millions pour 20 maisons supplémentaires si le projet d'agrandissement de la mine - qui s'étendrait sur 3,7 km et atteindrait une profondeur de 410 m - était autorisé.

Pour Nicole Kirouac, une avocate qui représente des citoyens de Malartic depuis 10 ans, «le mécanisme (de rachat) n'a aucun sens». «Quand le budget sera épuisé, c'est terminé, on ne fait plus d'acquisitions !», dit-elle. «Les avocats qu'on a consultés nous disent qu'ils n'ont jamais vu une situation aussi aberrante.»

Dans un rapport publié l'an dernier, la Direction de la santé publique a conclu, sur la foi d'un sondage mené auprès de la population de Malartic, que la situation actuelle «nuit à la qualité de vie et, par le fait même, à la santé des citoyens et citoyennes concernés». Elle constatait qu'une «proportion élevée» de la population était «très inquiète par rapport aux poussières, aux vibrations dues aux sautages et, dans une moindre mesure, au bruit».

Le même sondage indiquait qu'entre 42 et 57% des résidants de Malartic vivant dans les trois secteurs situés au sud de la voie ferrée souhaitaient être relocalisés si la possibilité leur était offerte pour des motifs liés à la minière.

Devant le BAPE, une représentante de Canadian Malartic, Mélissa Desrochers, a indiqué que le mandat de définir la notion de vulnérabilité dans le guide de cohabitation avait été confiée à une consultante. La première définition suggérée se lit comme suit : «État qui se manifeste lorsqu'une personne rencontre des obstacles qui l'empêchent de maintenir un équilibre sur les plans physiques et psychiques.» «Elle travaille à une deuxième version qui tienne la route. On souhaite avoir quelque chose pour l'été 2016, le plus rapidement possible», a dit Mme Desrochers.

Définition de vulnérabilité

Cette notion renvoie aux personnes qui, en raison de leurs caractéristiques communes et selon les contextes, ont une probabilité plus élevée de voir se développer des problèmes de santé ou des problèmes psychosociaux ou de subir des traumatismes.

Cette vulnérabilité est le résultat d'un ensemble de facteurs, incluant des conditions ou des circonstances sociales et économiques (p. ex. : accès à des ressources et à des services), ainsi que des caractéristiques individuelles particulières (p. ex. : âge, sexe, genre, origines ethnoculturelles, conditions de santé préexistantes, conditions de vie, statut socioéconomique, scolarité). Selon la problématique considérée, ces populations peuvent être de nature différente. En outre, une même personne peut cumuler plusieurs facteurs de vulnérabilité.

- Programme national de santé publique, 2015-2025