Justin Bourque a été condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 75 ans, vendredi, après avoir plaidé coupable du meurtre prémédité de trois agents de la GRC plus tôt cette année à Moncton, dans ce qu'un juge a qualifié de «rage aveugle».

Il s'agit de la peine la plus sévère imposée au Canada depuis les dernières exécutions, en 1962.

Le juge David Smith de la Cour du Banc de la Reine, au Nouveau-Brunswick, a livré son verdict vendredi, après une audience de détermination de la peine lors de laquelle Bourque a présenté ses excuses aux familles des agents tués.

«Le crime commis est l'un des pires de l'histoire du Canada», a-t-il dit devant une salle bondée. «Les meurtres ont été exécutés comme des embuscades. ... Il s'est seulement arrêté parce qu'il avait soif, était fatigué et désavantagé en nombre d'armes».

Le juge a relevé que Bourque n'avait pas d'antécédents criminels, et avait été élevé dans une famille catholique stricte.

Mais il a aussi dit que le jeune homme avait de la difficulté à garder un emploi, avait peu d'amis et était obsédé par les armes depuis qu'il avait 14 ans.

Décrivant Bourque comme immature et maladroit socialement, le juge Smith a dit qu'il était «le parfait mélange pour un désastre», un jeune homme qui a transposé dans la vraie vie ses jeux vidéo.

Le juge a dit que Bourque s'est inspiré des paroles des chansons Heavy-métal, qui a nourri son dégoût pour les institutions gouvernementales».

«Il était convaincu que la police intimidait tout le monde», a déclaré le magistrat. «Il en avait assez des autorités», lorsqu'il s'est habillé de vêtements camouflage le 4 juin pour aller tuer des policiers dans un accès de «rage aveugle».

Justin Bourque avait plaidé coupable à trois accusations de meurtre prémédité et à deux autres de tentative de meurtre, en août. Le jeune homme de 24 ans faisait face à une peine d'emprisonnement à vie obligatoire, de sorte que le juge Smith avait seulement à déterminer à quel moment il pourrait être admissible à une libération conditionnelle.

La Couronne souhaitait obtenir le maximum, soit 75 ans, en vertu d'une section du Code criminel amendée en 2011. La défense jugeait pour sa part que l'admission à la libération devait être fixée à 50 ans.

L'avocat de la défense, David Lutz, a déclaré que le juge n'avait pas de marge de manoeuvre avec la loi actuelle. «Considérant la loi et les faits, le juge n'avait pas le choix», a-t-il conclu, en ajoutant qu'un appel serait voué à l'échec.

Le ministre canadien de la Justice, Peter MacKay, a défendu la loi, arguant qu'elle était «plus fidèle à l'aversion du public canadien pour la violence».

«La famille et les amis des victimes de ces crimes veulent que le système canadien de justice ait les outils pour imposer des sanctions sévères à ceux qui leur ont volé leurs proches», a-t-il affirmé dans un communiqué.

Le gouvernement conservateur s'est par ailleurs déclaré satisfait de la peine.

La veuve de l'un des agents de la GRC a remercié sa famille, ses amis et la communauté pour leur appui, avant de se remémorer de bons moments avec son mari, Douglas Larche.

«Il est maintenant temps de commencer le processus de deuil», a souligné Nadine Larche, en sortant du palais de justice.

Le commissaire adjoint de la GRC Roger Brown doute que les cicatrices d'un tel événement guériront complètement un jour.

«Les gens disent que le temps guérit tout. Mais c'est subjectif. (...) J'espère et je prie pour que personne dans ma position ni aucun autre policier n'ait à affronter cela», a-t-il confié après l'annonce de la peine.

Lors de l'audience de détermination de la peine, une vidéo de la déclaration donnée par Bourque à la police après son arrestation a été déposée comme preuve. On y voit Bourque expliquer qu'il souhaitait encourager la population à s'élever contre les «soldats» qui défendent les institutions fédérales et qui protègent les riches des pauvres.

Il y parle de son éducation catholique très stricte, du réchauffement climatique, de l'évolution, d'ingénierie sociale, de lutte des classes, de tyrannie, de quelque chose qu'il appelle «le rideau noir» et des menaces supposées que représentent les Russes et les Chinois.

«Je sais que ça va sembler plutôt dérangé, mais j'ai ressenti un sentiment d'accomplissement», a-t-il raconté aux policiers.

Un exposé conjoint des faits qui avait été déposé en cour indiquait que les gestes de Bourque étaient à la fois «prémédités et délibérés», lorsqu'il a utilisé une arme semi-automatique pour tuer les agents Dave Ross, Fabrice Gevaudan et Douglas Larche, âgés respectivement de 32, 45 et 40 ans. Les agents Eric Dubois et Darlene Goguen ont aussi été blessés lors de la fusillade.

Une chasse à l'homme de 28 heures avait paralysé la ville de Moncton jusqu'à l'arrestation de Bourque, le 6 juin, peu après minuit.

La clause du Code criminel invoquée dans le choix de la peine imposée à Bourque n'avait jusqu'ici été utilisée qu'une seule fois. En septembre 2013, un juge d'Edmonton avait condamné un garde de camion blindé à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 40 ans après qu'il eut été reconnu coupable du meurtre de quatre de ses collègues pendant un vol, en juin 2012.

Travis Baumgartner avait plaidé coupable à une accusation de meurtre prémédité, deux accusations de meurtre non prémédité et une accusation de tentative de meurtre.

Travis Baumgartner avait plaidé coupable à une accusation de meurtre prémédité, deux accusations de meurtre non prémédité et une accusation de tentative de meurtre.