Pour une deuxième année, La Presse publie les résultats du palmarès du coût des services municipaux réalisé par le Centre sur la prospérité et la productivité de HEC Montréal. La rémunération élevée et le grand nombre d'employés à la Ville de Montréal expliquent pourquoi la métropole se classe encore comme l'une des villes les plus chères à gérer au Québec.

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Rémunération beaucoup plus généreuse, nombre élevé d'employés par habitant: le deuxième palmarès de HEC Montréal sur le coût des services municipaux permet de comprendre pourquoi la Ville de Montréal est l'une des plus chères à gérer.

«Je pense que personne ne va prétendre sans rire que la Ville de Montréal manque de personnel. Nous, on est capable de dire qu'elle a trop d'employés et qu'ils sont surpayés», lance Robert Gagné, directeur du Centre sur la productivité et la prospérité.

Pour la seconde mouture de son palmarès, ce groupe de recherche de HEC Montréal s'est intéressé à la rémunération globale des employés, ce qui inclut autant leur salaire de base que leurs avantages sociaux. Il ressort de cet exercice que Montréal est l'administration municipale versant le plus par employé, soit en moyenne 117 450$ par an.

C'est de loin la somme la plus élevée parmi les 1110 municipalités québécoises. La deuxième ville à offrir la plus généreuse rémunération globale, Laval, verse en moyenne 95 200$ par employé. Quant à la moyenne dans les villes de plus de 100 000 habitants, elle se situe à 90 100$.

Ces données sur la rémunération à Montréal renversent Robert Gagné. «C'est facilement le double de la rémunération moyenne au Québec. Est-ce que ces gens ont des postes névralgiques à ce point pour justifier de tels niveaux de salaire? La réponse est non. On n'est quand même pas dans une entreprise high tech avec des travailleurs spécialisés hyper mobiles dans le monde que, si tu ne les payes pas, ils vont partir en Europe ou aux États-Unis.»

La rémunération semble d'autant plus élevée à Montréal que plusieurs municipalités de taille moyenne versent moins de 60 000$ annuellement à leurs employés, comme Drummondville et Saint-Hyacinthe.

Le poids des régimes de retraite

Les données compilées par le Centre démontrent que la rémunération globale des employés de Montréal (donc en incluant les avantages sociaux) a rapidement progressé en quatre ans, augmentant de 43% entre 2009 et 2012. Cette soudaine hausse s'explique en grande partie par l'explosion du coût des régimes de retraite. Les avantages sociaux représentent aujourd'hui plus du tiers (35%) de la rémunération globale des employés montréalais.

«Ça pourrait vouloir dire que les syndicats ont été moins gourmands sur les salaires et plus sur les avantages sociaux. C'est moins visible d'en pelleter plus dans les bonifications de fonds de pension que dans les salaires», analyse Robert Gagné.

Les données du palmarès démontrent en effet à quel point les déficits dans les régimes de retraite pèsent lourd sur Montréal. Pour les effacer, chaque Montréalais devrait payer 1109$.

Autre signe de l'ampleur de ces déficits, la ville de Montréal est responsable à elle seule de la moitié du déficit de 3,7 milliards affiché par les 109 régimes municipaux à prestations déterminées.

«Trop d'employés»

En plus d'offrir une rémunération élevée, la métropole affiche un ratio élevé d'employés par rapport aux autres grandes villes. Montréal compte ainsi 10,9 employés par tranche de 1000 habitants. C'est deux de plus que la moyenne des autres grandes villes.

Encore une fois, Drummondville ressort du lot avec un taux de 5,3 employés par 1000 habitants, soit la moitié de celui de Montréal. Quatrième ville la plus populeuse du Québec, Longueuil aussi se démarque avec 5,8employés par 1000 habitants.

En combinant le ratio élevé d'employés et la rémunération élevée, Robert Gagné s'explique aisément pourquoi les coûts de gestion de la métropole sont si élevés.

«Déséconomies» d'échelle

La comparaison de la rémunération permet également de constater qu'elle semble directement liée à la taille des villes. Plus une ville est populeuse, plus les salaires de ses employés sont élevés.

Ce phénomène serait lié au nombre de plus en plus important de services que les villes sont tenues d'offrir en fonction de leur taille, analyse Jonathan Deslauriers, directeur adjoint du Centre sur la prospérité et la productivité. «Plus ta ville croît, plus ton offre de service grandit, plus tu as besoin d'employés spécialisés, donc les salaires vont croître en conséquence», explique-t-il.

«Ce qu'on voit, c'est qu'on est dans des "déséconomies" d'échelle. Ça coûte plus cher parce qu'on est plus gros», résume Robert Gagné.

Rémunération par corps d'emploi à Montréal

• Cadres et contremaîtres 166 300$

• Policiers 144 300$

• Pompiers 129 000$

• Cols blancs 93 800$

• Cols bleus 93 000$

Les cinq villes où la rémunération globale est la plus élevée...



• Montréal 117 452,80$

• Laval 95 208,90$

• Longueuil 93 121,67$

• Châteauguay 93 066,69$

• Gatineau 92 512,39$

Les cinq où la rémunération est la plus basse...

• Rouyn-Noranda 55 814,56$

• Mirabel 54 433,36$

• Saint-Hyacinthe 54 429,05$

• Saint-Eustache 53 856,57$

• Val-d'Or 53 515,43$

État des régimes de retraite (par habitant)

Les cinq villes affichant les plus importants déficits

• Québec -1120,65$

• Montréal -1109,95$

• Saguenay -830,34$

• Laval -761,67$

• Baie-Comeau -706,67$

Les cinq avec des surplus

• Sainte-Catherine 3,65$

• Mont-Tremblant 4,13$

• Blainville 25,52$

• Drummondville 106,63$

• Farnham 183,02$

Sur les 109 villes dont les données sont disponibles, seulement les 5 ci-dessus affichent des surplus.

Rémunération moyenne selon le nombre d'habitants



• Plus de 100 000: 90 145$

• 50 000 à 100 000: 73 191$

• 25 000 à 50 000: 68 530$

• 10 000 à 25 000: 59 262$

• 5000 à 10 000: 48 189$

Classement des grandes villes

Pour la première fois, le palmarès HEC permet de comparer la performance des municipalités sur quatre ans, soit de 2009 à 2012. En tenant compte de tous les indicateurs de coûts, voici le classement des 10 grandes villes québécoises en 2012, accompagné de quelques informations expliquant leur évolution au fil des ans.

1. Trois-Rivières : Trois-Rivières se maintient depuis trois ans au sommet en affichant des coûts inférieurs à la moyenne dans la majorité des indicateurs, sans pour autant être la meilleure dans une catégorie en particulier.

2. Lévis : Avec ses taxes peu élevées et ses faibles dépenses, Lévis talonne de près Trois-Rivières au sommet du palmarès des grandes villes. Ses coûts élevés de déneigement et de gestion des déchets l'ont toutefois empêchée de prendre la tête.

3. Laval : La troisième ville en importance du Québec présente la plus faible augmentation de ses dépenses par habitant depuis 4 ans, à 4 %. Sa dette a aussi considérablement diminué par rapport à sa base de taxation.

4. Longueuil : Les dépenses de Longueuil ont augmenté beaucoup plus lentement que dans les autres grandes villes. La principale ville de la Rive-Sud a aussi réduit ses coûts de déneigement pour passer sous la moyenne des grandes villes.

5. Sherbrooke : En quatre ans, Sherbrooke est passée de la tête au milieu du peloton. Cette dégringolade s'explique en grande partie par le coût de sa voirie qui a pratiquement doublé, passant de 5700 $ à 11 000 $ par kilomètre.

6. Terrebonne : Terrebonne a fait son entrée en 2010 dans le club des 10 grandes villes. Proportionnellement, sa dette est la plus élevée de ce groupe de villes.

7. Saguenay : Saguenay affiche une forte croissance de ses dépenses par habitant. Ses coûts de voirie restent toutefois les plus faibles parmi les grandes villes, malgré une forte croissance ces dernières années.

8. Gatineau : Les dépenses de Gatineau ont grandement augmenté au cours des dernières années, notamment en raison de la hausse de la rémunération de ses employés.

9. Québec : C'est la grande ville qui a connu la plus forte croissance de ses dépenses par habitant, soit une hausse de 19 % en 4 ans. Ses coûts de voirie ont connu une forte croissance, tout comme ceux de la gestion des déchets, qui sont aujourd'hui les plus élevés parmi les grandes villes.

10. Montréal : La métropole continue à afficher des coûts plus élevés que les autres grandes villes dans pratiquement toutes les catégories. Ses services coûtent ainsi en moyenne 55 % plus cher.