Les tensions entre autochtones et non-autochtones continueront de croître à moins qu'un « nouveau partenariat » ne soit formé entre le Canada et ses Premières Nations, ont prévenu deux ex-premiers ministres ainsi qu'une brochette de leaders autochtones, jeudi.

Lors d'une cérémonie tenue à Gatineau, Paul Martin et Joe Clark ont signé hier la déclaration des « Canadiens pour un nouveau partenariat ». L'ancien chef de l'Assemblée des Premières Nations Ovide Mercredi et l'ex-vérificatrice générale Sheila Fraser font aussi partie des signataires du document.

Le mouvement vise à favoriser le dialogue entre gouvernements, communautés autochtones et simples citoyens. Il souhaite ainsi créer un climat favorable à l'amélioration durable de la qualité de vie des autochtones.

« Je crois que si quelque chose comme cela ne se produit pas, les tensions et les conflits dans le pays vont devenir de plus en plus sérieux », a déclaré Joe Clark, premier ministre progressiste-conservateur de 1979 à 1980.

L'ancien premier ministre libéral Paul Martin estime qu'il s'agit du plus important défi économique du Canada. Il note que les autochtones sont la population la plus jeune au Canada, et celle qui croît le plus rapidement.

« Allons nous dire au segment le plus jeune et en plus rapide croissance que vous n'aurez pas le même système de santé ou d'éducation que les autres? Si c'est le cas, cette économie va être dans un pétrin énorme », a-t-il déclaré.

Les membres du groupe ne proposent pas de solutions concrètes pour s'attaquer à la question autochtone, souhaitant éviter de verser dans un débat politique partisan. Ils comptent sillonner le pays bénévolement, participer à des tables rondes et à des conférences afin de sensibiliser les Canadiens au problème.

« Plus les Canadiens comprennent la situation, plus ils vont demander qu'on trouve des solutions », a résumé M. Martin. (...) On est convaincus que lorsque les Canadiens sont vraiment impliqués dans le débat, tous les gouvernements vont accepter la nécessité d'agir. »

La question autochtone a fait surface avec insistance, ces dernières années. Les atrocités commises dans les pensionnats ont été étalées au grand jour par la Commission de vérité et réconciliation. L'opposition de certaines communautés à des projets de ressources naturelles a maintes fois défrayé la chronique. Le mouvement de contestation Idle no More a balayé le pays. Et, dernièrement, les appels à une commission d'enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées se sont butés au refus d'Ottawa.

Selon Stephen Kakfwi, l'ancien premier ministre des Territoires du Nord-Ouest qui a créé les Canadiens pour un nouveau partenariat, il existe un fort « momentum » en faveur d'un dialogue renouvelé entre Canadiens et autochtones.

« Nous ne pouvons pas porter cette douleur et cette couleur dans nos coeurs toutes nos vies, a-t-il dit. Nous devons faire mieux pour nos enfants. »

Bien qu'aucun représentant du gouvernement Harper n'était présent à la conférence de presse de jeudi, des conversations ont eu lieu avec Ottawa au sujet du projet, a indiqué Joe Clark.

Invité à commenter l'initiative lancée jeudi, le ministre des Affaires autochtones, Bernard Valcourt, a rappelé que le gouvernement conservateur a investi plusieurs milliards dans des projets liés à l'éducation dans les réserves.

« Notre gouvernement continue de travailler avec les Canadiens autochtones pour créer des débouchés et améliorer la qualité de vie des membres des Premières Nations », a indiqué M. Valcourt dans une déclaration écrite.

Un « échec » des conservateurs, dit Trudeau

Le chef du Parti libéral, Justin Trudeau, juge qu'il existe un « besoin urgent et critique » de rétablir les relations avec les Premières Nations, lançant au passage une pointe au gouvernement Harper.

« Cela fait maintenant des années que le gouvernement fédéral ne respecte pas son obligation de partenariat avec les communautés autochtones, a-t-il indiqué. L'initiative annoncée aujourd'hui résulte directement de cet échec en matière de leadership national. »

Le député du Nouveau Parti démocratique, Jonathan Genest-Jourdain, a rappelé que le Rapporteur spécial de l'ONU sur les droits des autochtones a dénoncé l'an dernier la « crise » qui sévit dans les communautés autochtones du pays.

« Les récents développements, tant sur le plan judiciaire que politique, ainsi que les regards internationaux qui se tournent vers le Canada, font en sorte qu'on ne peut pas faire abstraction de la réalité des peuples autochtones. »

Le chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec, Ghislain Picard, a pour sa part accueilli favorablement l'initiative des Canadiens pour un nouveau partenariat, saluant au passage la présence des deux anciens premiers ministres dans le groupe.

« Ça ajoute très certainement une crédibilité et un prestige à la démarche. »