Le Conseil du statut de la femme réclame des modifications majeures à la loi sur la Direction de la protection de la jeunesse, mal outillée pour faire face aux cas de violence liée à l'honneur.

Dans un rapport fouillé rendu public aujourd'hui, le CSF fait état des limites de l'action de la DPJ auprès de jeunes filles victimes de violences liées à l'honneur.

«La DPJ n'est pas outillée pour intervenir dans les cas de crimes d'honneur parce que les intervenants doivent, selon la loi, avertir les parents lors d'un signalement. Or, avertir les parents, c'est mettre encore davantage ces jeunes filles à risque», dit Julie Miville-Dechêne, la présidente du CSF.

Le rapport ne constitue pas un «blâme» à l'endroit de la DPJ, mais «les règles actuelles ne leur permettent pas d'agir auprès des jeunes filles et de les suivre à long terme. Dans les cas les plus menaçants, oui, la jeune fille est mineure, mais elle doit être protégée de sa propre famille», dit-elle. 

Le gouvernement du Québec devrait donc changer la loi, croit Mme Miville-Dechêne. De même, des ressources spécialisées devraient être créées, au sein de l'actuel réseau des maisons d'hébergement pour femmes violentées, pour offrir un refuge aux jeunes filles qui, sous la menace, doivent quitter le domicile familial. 

Une ressource qui fait cruellement défaut témoigne Lucien Fortin, directeur de l'école secondaire La Voie, dans Côte-des-Neiges. «C'est dans arrivé, dans certains cas, où on n'avait pas d'endroit où envoyer les jeunes. Moins de 18 ans, ce n'est pas évident, et souvent les centres d'hébergement sont pleins. Il faut avoir cette possibilité d'agir vite, dans la journée même, d'avoir un endroit pour placer les jeunes mineures», dit-il.

À la défense de la DPJ

La DPJ, de son côté, se défend bien d'être restée passive dans les cinq années qui ont suivi l'affaire Shafia. «Les intervenants ont tous reçu une formation à l'interculturel. C'est un début. On a identifié dans chaque équipe un intervenant qui va développer une expertise sur la question des violences liées à l'honneur», plaide Suzanne Dessureault, directrice adjointe de la protection de la jeunesse à Montréal.

La DPJ a développé une étroite collaboration avec certains organismes de terrain, comme le Bouclier d'Athéna, pour sensibiliser les acteurs au problème de la violence liée à l'honneur.

Mais évidemment, la loi est un frein, convient Mme Dessureault. «La loi nous oblige à parler aux parents. Évidemment, il y a des situations où ça n'est pas indiqué de contacter les parents sur le plan clinique. Et au plan légal, les leviers ne sont pas là.»

L'organisme le Bouclier d'Athéna, qui reçoit chaque année plusieurs cas de violences liées à l'honneur, se porte d'ailleurs à la défense de la DPJ. 

«C'est dommage, parce que la DPJ travaille, se questionne et réfléchit. De dire qu'ils ne sont pas capables d'intervenir, c'est faux. Ils essaient de s'adapter, malgré la loi. Sur le terrain, les intervenants se cassent la tête pour aider les jeunes», Maud Pontel, coordonnatrice au Bouclier d'Athéna.