Le Québec perd une ferme par jour. La relève agricole se fait rare, surtout parmi les femmes. On compte trois hommes pour une femme au sein des agriculteurs de moins de 40 ans dans la province. En plus du plafond de verre, y aurait-il un plafond de... terre ?

Au Québec, la ferme à Mathurin restera la norme. Pas la ferme à Mathurine. Les femmes représentent à peine 26 % de la relève en agriculture - et 27 % du total des agriculteurs -, selon un nouveau rapport du ministère de l'Agriculture. C'est « une proportion plus faible de femmes en agriculture que dans les autres sphères de la société », souligne le document.

Parmi l'ensemble des travailleurs rémunérés du Québec, 48 % sont des femmes. Seulement 27 % des propriétaires d'entreprises en société sont de sexe féminin, une réalité semblable à celle vécue sur le plancher des vaches, littéralement. En plus du plafond de verre, il y a donc un plafond de... terre.

Dans les fermes, « il y a encore des modèles familiaux plus conservateurs, reconnaît Magali Delomier, directrice générale de la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ). Quand on a une fille et trois garçons, peut-être qu'on pense d'abord aux garçons pour prendre la relève. Mais les mentalités évoluent vite. » Depuis 2006, le taux de femmes parmi la relève agricole a grimpé de... 2 %.

La relève agricole a moins de 40 ans et détient des parts dans une entreprise agricole, selon la définition du MAPAQ. Gros hic : les jeunes agricultrices « possèdent, en général, un pourcentage moins élevé de parts », précise le document. Tandis que les jeunes hommes ont, en moyenne, 59 % des parts de leur entreprise, les femmes en ont 50 %.

La relève féminine a un niveau de formation supérieur à celui de son pendant masculin, mais les études des femmes sont moins souvent liées à l'agriculture. Conséquence logique : c'est à 23 ans que les femmes prennent la décision de s'établir en agriculture, alors que les hommes le font dès l'âge de 20 ans.

« On est complémentaires »

Avant d'avoir 20 ans, « prendre la relève ne m'a jamais effleuré l'esprit, témoigne Florence Lefebvre St-Arnaud, 25 ans. Puis, j'ai réalisé qu'il était possible de perdre ce qu'on faisait depuis toujours, alors que j'étais née là. » La jeune femme a alors entrepris un baccalauréat en administration pour assurer l'avenir de la ferme maraîchère Campanipol, fondée par ses parents à Sainte-Geneviève-de-Batiscan.

Ses deux jeunes frères ont aussi de l'intérêt à prendre la relève. « Je me verrais mal réparer un moteur de tracteur, mais pour eux c'est facile, observe Mme Lefebvre St-Arnaud. On est complémentaires. » Reste à trouver de la place pour que tout ce beau monde gagne sa croûte à la ferme Campanipol.

« La maturité des femmes qui s'établissent en agriculture est plus grande, observe Mme Delomier. Elles font plus d'études, prennent de l'expérience à l'extérieur de la ferme. C'est, pour elles, un choix assumé et réfléchi. »

Plus d'héritiers que d'héritières

Hériter de la ferme de ses parents reste le mode d'entrée principal en agriculture, surtout pour les fils. On compte 19 jeunes femmes établies par transfert familial d'une entreprise agricole pour 81 jeunes hommes.

Davantage d'hommes que de femmes participent aux travaux de la ferme avant de s'établir. Parmi ceux qui y travaillent, une part supérieure de femmes le font sans salaire (51 % des femmes, contre 34 % des hommes). Même une fois que des parts sont acquises, la relève féminine participe moins aux décisions concernant l'entreprise agricole.

Il faut dire que chez les jeunes agricultrices, le travail à l'extérieur de la ferme compte pour 63 % du temps travaillé et 74 % des revenus annuels. En plus de faire « un peu de tout » à la ferme familiale, Florence Lefebvre St-Arnaud bosse comme serveuse et barmaid. « C'est mon emploi de soir, mon social », fait-elle valoir en riant.

« Les agricultrices que je côtoie n'ont pas froid aux yeux, souligne Mme Delomier. Elles prennent beaucoup de responsabilités professionnelles et familiales. Plusieurs ont de jeunes enfants, elles sont sur tous les fronts. Ce sont des superwomen ! »

Moins de fermes au Québec

Les fermes ferment au Québec

>30 675 fermes en 2006

>29 437 fermes en 2011

>Baisse de 4 %

>Au Canada, la baisse a atteint 10 % au cours de la même période.

Peu de relève

>Près de 40 % des fermes qui devaient changer de mains entre 2007 et 2012 n'avaient pas de relève prévue.

Chères, les fermes

>Valeur marchande courante des fermes au Québec, en 2011 : 1,68 million de dollars. Il s'agit d'une hausse de 24 % depuis 2007.

Déficit de femmes dans les fermes

>Relève agricole établie au Québec : 26 % femmes, 74 % hommes.

>Agriculteurs du Québec : 27 % femmes, 73 % hommes.

>Population active : 47 % femmes, 53 % hommes.

Des femmes plus éduquées

>67 % des jeunes agricultrices ont un diplôme collégial ou universitaire, contre 38 % des jeunes agriculteurs.

>Mais seulement 42 % des femmes sont diplômées en agriculture, contre 72 % des hommes.

Plus de femmes créent des fermes

>45 % des femmes et 30 % des hommes démarrent une nouvelle entreprise agricole.

>70 % des hommes de la relève et 55 % des femmes font l'acquisition d'une entreprise agricole existante.

Bourreaux de travail

>48 % de la relève féminine et 40 % de la relève masculine travaillent à l'extérieur de l'entreprise agricole.

Sources : Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ) et Statistique Canada.