Le nombre de demandes d'asile au Canada a chuté de moitié depuis le resserrement des règles, en décembre dernier, et a atteint le niveau le plus bas observé depuis 25 ans. La diminution est particulièrement marquée chez les réfugiés en provenance de la Hongrie, où le gouvernement canadien a diffusé des publicités menaçant d'expulsion rapide ceux qui présentent une demande non fondée.

En décembre dernier, de nouvelles mesures pour traiter de façon accélérée les demandes d'asile en provenance de 30 pays - 37 à l'heure actuelle - sont entrées en vigueur. Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) qualifie de «succès» le resserrement des règles, qui a immédiatement fait chuter le nombre de réfugiés se tournant vers le Canada.

Au cours des six premiers mois de 2013, 4558 demandes d'asile ont été transmises à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR), soit en moyenne 760 par mois. C'est 55% de moins qu'en 2012, où on enregistrait mensuellement 1685 demandes.

Le Canada n'avait jamais reçu aussi peu de demandes d'asile depuis 1989 - les statistiques les plus anciennes obtenues par La Presse. À l'époque, le pays recevait 1000 demandes par mois. Le sommet a été atteint en 2001, avec 2700 demandes mensuelles.

«La baisse draconienne de demandes provenant de pays qui ne produisent habituellement pas de réfugiés signifie que de véritables réfugiés recevront la protection du Canada plus rapidement. En même temps, les demandeurs dont la demande est infondée sont renvoyés du pays plus rapidement, ce qui entraîne des économies importantes pour les contribuables canadiens», affirme Bill Brown, porte-parole de CIC.

Ces nouvelles données confirment la tendance observée dès le printemps par l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et alors révélée par La Presse.

Baisse marquée de Hongrie

Parallèlement au resserrement des règles, le Canada a également lancé en janvier une campagne publicitaire dans la région de Miskolc, en Hongrie, d'où provient la majorité des demandes, principalement de Roms. «Ceux qui font une demande d'asile sans raison valable seront traités et renvoyés plus rapidement», clamaient les six panneaux-réclames érigés dans la quatrième ville du pays.

Depuis, le nombre de demandes de la part de ressortissants de la Hongrie a chuté de 90%. La Hongrie, qui était au premier rang des pays sources de demandeurs d'asile, est maintenant 13e. Ce recul est d'autant plus significatif que ce pays a toujours figuré dans la liste des 10 plus importants demandeurs, souligne un rapport de l'ASFC.

La campagne publicitaire a toutefois été froidement accueillie en Hongrie, notamment par le maire de Miskolc, qui s'indignait de voir les Roms revenir. Celui-ci affirmait que la décision du Canada «menace les résidants de Miskolc».

Cette forte réaction a d'ailleurs inquiété l'ASFC. «Les remarques continuelles et très publicisées du maire de Miskolc pourraient contrecarrer les efforts», et «certaines de ces remarques pourraient appuyer les affirmations faites par les demandeurs d'asile hongrois selon lesquelles il y a un mépris manifeste à l'égard de la minorité rom».

Place à la Chine et à la Syrie

Avec la chute marquée du nombre de réfugiés hongrois, la Chine est aujourd'hui le principal pays d'où proviennent les demandeurs d'asile. Leur nombre a toutefois aussi considérablement diminué depuis le début de l'année (- 58%).

En fait, les demandes d'asile des principaux pays sources de réfugiés sont en baisse, à une exception près: la Syrie. Le pays est en proie à un conflit sanglant depuis plus de deux ans. Le triste cap des 100 000 morts dans ce conflit vient d'ailleurs d'être franchi.

Cette chute marquée du nombre de réfugiés surprend les défenseurs des droits des réfugiés. «Chaque fois qu'il y a des changements aux règles du système d'asile, il y a une baisse, mais dans ce cas, ç'a été beaucoup plus important et ça dure», observe Janet Dench, du Conseil canadien pour les réfugiés.

L'organisme craint que le renforcement des mesures contre les réfugiés incite plusieurs d'entre eux à vivre dans la clandestinité plutôt que de tenter de régulariser leur situation. «On se demande à quel point on est en train de devenir un pays comme les États-Unis, où les gens préfèrent rester dans l'illégalité plutôt que de demander l'asile», indique Janet Dench.

Le CCR rappelle d'ailleurs que les gens vivant dans la clandestinité ont un statut extrêmement précaire. Comme ils n'ont pas le droit de travailler légalement, ils ne peuvent dénoncer les abus de leurs employeurs, de crainte de se voir expulsés.

CIC maintient que «le Canada possède l'un des systèmes d'immigration et de protection des réfugiés les plus généreux du monde». «Nous accueillons environ un réfugié sur dix réinstallés dans le monde, soit davantage que la plupart des autres pays industrialisés.»