L'écrasante majorité - soit 86% - des fraises consommées au Canada viennent de Californie. Durant l'été, les supermarchés ouvrent leurs portes aux fraises du Québec. «Mais les producteurs ont un problème, dit Carl Boivin, chercheur de l'Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA). Pour établir les prix de vente et prévoir les soldes, les chaînes exigent qu'ils garantissent le volume de fraises qui sera mis en marché trois semaines plus tard.»

Ces prédictions - basées sur les rendements historiques des champs de fraises - manquent de précision, ce qui rend la mise en marché des fraises d'ici difficile. Si un sommet de production survient le 8 août, alors qu'il était prévu le 15, les producteurs se retrouvent avec trop de fraises à écouler sur le coup. Ils en ont ensuite trop peu à vendre la semaine suivante... alors que les fraises sont en couverture des circulaires. «Tout le monde est malheureux, le consommateur aussi», constate Louis Gosselin, producteur de fraises à l'île d'Orléans.

Pour rendre les fraises du Québec plus concurrentielles, l'IRDA travaille à l'élaboration d'une méthode simple permettant de prévoir les volumes de fraises récoltées, 21 jours à l'avance. «On pensait calculer le nombre de fleurs, mais comme elles ne restent ouvertes qu'un ou deux jours, ça impliquait de retourner trop souvent aux champs», indique M. Boivin.

«Équation magique»

Le chercheur mise désormais sur le nombre de nouveaux fruits verts, qui apparaissent dès que les fleurs sont pollinisées. «De la fin de la fleur au fruit mûr, on compte justement trois semaines pendant une bonne partie de l'été», note-t-il.

Pour valider la méthode, le nombre de fruits verts est compté deux fois par semaine, dans deux fermes de l'île d'Orléans, dont celle de M. Gosselin. Les décomptes sont comparés d'une fois à l'autre, afin de déduire le nombre de nouveaux fruits. Grâce à cette «équation magique», M. Boivin espère «prédire 75% du volume de fraises récoltées trois semaines plus tard, 100% du temps. Éventuellement, ça servira aussi à mieux répartir les apports en eau et en fertilisants».

La température joue les trouble-fête

Difficile de faire mieux, en raison d'une grande inconnue: la température. «Elle est très variable au Québec, surtout comparé à la Californie», souligne M. Gosselin.

Avec cette recherche, l'IRDA veut éviter que les fraises connaissent un sort semblable aux framboises du Québec, «dont les parts de marché dans les chaînes diminuent», selon M. Boivin. Le Québec produit à peine 8% des framboises au Canada, alors que 86% viennent de Colombie-Britannique.

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Le Québec, principal producteur de fraises

Le Québec produit 52% des fraises au Canada, ce qui place notre province au premier rang.

> Il y a 700 producteurs de fraises et de framboises au Québec, qui commercialisent des fruits valant plus de 52 millions de dollars par année.

> La consommation de fraises au Canada a augmenté de 94% en 20 ans, grâce à une fulgurante hausse des importations.

> Un même champ de fraises peu être récolté une trentaine de fois par saison, au Québec.

Sources: Association des producteurs de fraises et framboises du Québec et IRDA