Du fond de sa cellule à Guantánamo, le Canadien Omar Khadr fête aujourd'hui le 10e anniversaire de son arrestation, lorsqu'il avait 15 ans, pour le meurtre d'un soldat américain en Afghanistan. Le jeune homme reste «optimiste» même s'il ne sait toujours pas quand - ou si - le Canada compte le rapatrier, confie l'un de ses avocats, John Norris.

«Il le sait très bien que ça fait 10 ans qu'il est incarcéré, mais il se porte étonnamment bien. C'est quelqu'un de très optimiste et plein d'espoir malgré son évidente frustration devant les délais dans le traitement de sa demande de rapatriement. Mais il reste confiant», dit John Norris qui a rencontré son client il y a une semaine.

«Il veut quitter Guantánamo parce que c'est un endroit terrible où il n'a aucune chance d'être réhabilité afin de réintégrer la société. C'est seulement au Canada qu'il le pourra et son but, c'est de rentrer», dit John Norris.

Omar Khadr est né à Toronto en 1986, mais a passé la majeure partie de son enfance au Pakistan où son père vivait depuis sa rencontre avec un certain Oussama ben Laden. Après avoir suivi divers entraînements auprès d'al-Qaïda, le jeune homme est en Afghanistan le 27 juillet 2002 quand il se trouve pris dans un raid des forces spéciales américaines. L'opération coûte la vie au sergent Christopher Speer, alors âgé de 28 ans.

Blessé durant l'assaut, Omar Khadr est arrêté pour être accusé trois ans plus tard du meurtre du soldat. Il est transféré à la base de Guantánamo, dans l'île de Cuba, où il a longtemps nié avoir lancé la grenade. Il plaide coupable en octobre 2010 après avoir négocié une entente avec les États-Unis réduisant sa peine à huit ans de prison et lui permettant d'être rapatrié au Canada dès octobre 2011.

Mais depuis, Ottawa tarde à approuver sa demande de retour au pays. Le ministre canadien de la Sécurité publique, Vic Toews, dit être toujours à l'étudier. Il se questionne sur la dangerosité du jeune homme aujourd'hui âgé de 25 ans.

«Omar Ahmed Khadr est un citoyen canadien qui a plaidé coupable du meurtre d'un infirmier de l'armée américaine. Les États-Unis n'en veulent plus et nous ont demandé de le rapatrier. Une décision concernant sa demande de rapatriement doit être rendue conformément aux lois canadiennes», a dit hier une porte-parole du ministre, Julie Carmichael, répétant la réponse utilisée par le gouvernement depuis des mois.

La loi sur le transfèrement international des délinquants ne prévoit aucun délai pour répondre aux demandes des détenus. Elle précise seulement que «le ministre est tenu de motiver tout refus». «C'est le problème. Quand on fait face à une demande d'extradition pour une personne recherchée, on a des délais très stricts à respecter. Mais quand il s'agit de transférer une personne condamnée, la loi ne précise rien», s'indigne John Norris.

La décision du ministre aura une grande incidence sur la vie de Khadr parce qu'elle précisera dans combien de temps il pourra être libéré. John Norris croit que, rapatrié, Khadr pourrait être admissible à une libération conditionnelle dès juillet 2013, soit dans un an. S'il reste incarcéré à Guantánamo, sa peine de prison doit prend fin en 2018. Khadr aura alors 32 ans.

«Dans six ans, Omar Khadr va pouvoir revenir, alors aura-t-on vraiment assuré la sécurité publique s'il n'a pu suivre un programme de réinsertion?», lance Anne Sainte-Marie, porte-parole d'Amnistie internationale.

Les organisations des droits de la personne s'indignent de voir Omar Khadr toujours incarcéré à Guantánamo, où il est désormais le dernier ressortissant occidental parmi les 168 détenus. Une porte-parole de Human Rights Watch, Andrea Prasow, estime que le Canada devrait le rapatrier le plus rapidement possible pour entamer son programme en vue de sa réinsertion dans la société. «Il a seulement 25 ans. À sa sortie, il aura encore toute une vie devant lui.»

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Quelques dates charnières

> Septembre 1986

Naissance d'Omar Khadr, à Toronto.

> 27 juillet 2002

Khadr est blessé et arrêté dans un assaut des forces spéciales américaines au cours duquel un soldat est tué.

> Octobre 2002

Transfert de Khadr à Guantánamo.

> 7 novembre 2005

Omar Khadr est officiellement accusé de crimes de guerre, notamment de meurtre.

> 25 octobre 2010

Khadr plaide coupable à cinq accusations et écope d'une peine de huit ans de prison.

> Octobre 2011

Khadr devient admissible au rapatriement.

> Juillet 2012

Le Canada n'a toujours pas accepté de rapatrier Omar Khadr.