Les propos du pape Benoît XVI, qui a pris position contre un projet de loi britannique visant à stopper la discrimination contre les homosexuels, ont choqué les groupes de défense des droits des gais au Québec. Les autorités cléricales québécoises, elles, sont restées muettes.
Steve Foster, président-directeur général du Conseil québécois des gais et lesbiennes, a qualifié les paroles du Saint-Père de «décourageantes» et de «préoccupantes».
«Il semblerait que, en temps de crise, la tolérance ne soit pas nécessairement la première vertu. J'ai l'impression que le pape profite d'un temps où les gens sont inquiets pour tenter de ramener les valeurs traditionnelles, un peu à l'image de ce que font les groupes d'extrême droite en ce moment. Ce qui me rassure, c'est que les groupes de défense des droits de la communauté LGBT (lesbienne, gaie, bisexuelle et transgenre) sont très bien structurés en Grande-Bretagne. Ils pourront contribuer à ce débat de façon positive et faire contrepoids aux pressions de l'Église.»
La «loi sur l'égalité» des chances est actuellement débattue au Parlement britannique. Elle vise à empêcher toute forme de discrimination liée à l'âge, au sexe, aux croyances religieuses ou à l'orientation sexuelle. Le clergé du Royaume-Uni craint que la future loi ne les contraigne à embaucher des homosexuels ou des transsexuels. Déjà, des évêques anglicans et catholiques ont commencé à militer contre le projet de loi. Lundi, le souverain pontife a jeté de l'huile sur le feu en déclarant qu'ils devaient s'y opposer avec un «zèle missionnaire».
«Nous sommes habitués d'entendre des déclarations semblables venant du pape, mais dans ce cas, son discours n'est pas cohérent», a dit le président de Gai Écoute et de la fondation Émergence, Laurent McCutcheon. «Dans son discours officiel, l'Église maintient qu'elle n'est pas contre les homosexuels mais plutôt contre les pratiques sexuelles des gais. Ce qui est odieux, c'est que, en s'opposant à cette loi, elle s'attaque directement aux personnes.»
L'Église catholique du Québec muette
Les dirigeants de l'Église catholique au Québec ont été avares de commentaires, hier. Le cardinal Marc Ouellet ne s'est pas rendu disponible pour une entrevue tandis que le cardinal Jean-Claude Turcotte a fait savoir, par la bouche de son secrétaire, Bruno Toupin, qu'il ne souhaitait pas commenter l'affaire.
Le prêtre Raymond Gravel, ancien député du Bloc québécois, a toutefois déploré la sortie du pape: «C'est difficile parce que sur le terrain nous essayons d'accueillir tout le monde à bras ouverts. Un seul discours venant d'en haut vient de détruire tout le travail que nous avons fait à la base. Je pense que l'Église se tire dans le pied en se mettant à dos toute une frange de croyants qui ne partagent pas son discours sur les gais.»