Tous les jours, Doria Papatie va jeter un coup d'oeil sur le chantier de sa maison. Il y a trois ans, elle avait dû la quitter, pour cause d'insalubrité.

«Il y avait eu une infiltration d'eau, ça sentait le moisi, on ne pouvait plus rester là-dedans», se souvient-elle. Depuis, la grand-mère de 47 ans se promène d'une famille de Kitcisasik à l'autre dans cette petite communauté algonquine sans électricité ni eau courante, située à cinq heures de route de Montréal.

 

Doria Papatie n'en peut plus de dépendre ainsi de ses proches qui vivent, eux aussi, dans des conditions précaires. «J'ai hâte d'avoir un toit à moi», dit-elle.

Son désir est sur le point de se réaliser. L'organisation humanitaire Architectes de l'urgence, en collaboration avec la fondation ontarienne Frontiers, a entrepris un projet de rénovation résidentielle dans ce village de l'Abitibi.

Il y a un an, La Presse avait passé trois jours dans cette communauté pour constater à quel point les conditions de vie y sont pénibles. La majorité des habitants n'ont ni réfrigérateur ni réservoir d'eau. Les émanations des poêles à bois causent des problèmes respiratoires. La nuit, quand le bloc sanitaire est fermé, il faut utiliser des seaux hygiéniques, faute de toilettes.

Au début de l'été, la fondation Frontiers a amené deux scieries démontables à Kitcisakik. Puis, elle a formé une trentaine d'Algonquins du village afin qu'ils puissent rénover les maisons du village et les rendre plus habitables. Il y a trois semaines, des ouvriers locaux dirigés par les Architectes de l'urgence ont commencé leur premier projet de rénovation: celui de Doria Papatie.

La maison sera refaite de fond en comble. À Kitcisakik, la plupart des habitations sont fabriquées en bois aggloméré non teint, qui noircit avec le temps. Les émanations de la colle qui scelle les copeaux de bois sont toxiques. Les aliments placés contre les murs mal isolés se préservent mal.

«Nous allons changer ces panneaux, ajouter de l'isolant, nous assurer que les murs seront bien ventilés», explique l'architecte Guillaume Lévesque, qui revient tout juste d'un séjour à Kitcisakik.

Un évier et une douche

Mais en plus de murs assainis et d'un toit mieux ventilé, Doria Papatie aura une «vraie» cuisine, avec un évier et un robinet. Elle aura aussi une douche alimentée par de l'eau de pluie récupérée. Et des toilettes sèches à l'extérieur de la maison, pour ne plus avoir à courir au bloc sanitaire ou à sortir dans le bois.

Un poêle à bois tout neuf dont la cheminée ne fuit pas chauffera son eau, été comme hiver. Du luxe dans cette communauté située à six kilomètres de la route 117!

«Ce qui dérange surtout les gens de Kitcisakik, c'est de ne pas avoir accès à l'eau et de respirer de l'air de mauvaise qualité. Dans leurs maisons, il fait une chaleur suffocante en été, et on gèle en hiver», dit Guillaume Lévesque.

Les maisons rénovées ne seront toujours pas branchées à un réseau d'égout, ni à Hydro-Québec. Le sort de ce village sans statut, dont les habitants sont considérés comme des squatters, n'est toujours pas résolu. Mais au moins, les habitants des maisons rénovées ne vivront plus dans des conditions dignes du tiers-monde.

La première phase du projet prévoit la réfection de cinq maisons grâce à une subvention de 40 000$ de la fondation Frontiers. Pour le reste, le projet bénéficie de dons de bois, de peinture, de scellant et de membrane pour le toit.

Mais le but des Architectes de l'urgence, c'est surtout de permettre aux Algonquins de Kitcisakik de poursuivre le projet de rénovation eux-mêmes, avec leur propre bois et leurs propres ouvriers.