La déclaration de Benoît XVI sur le condom cette semaine n'avait rien de répréhensible et, si elle a fait de telles vagues, c'est en raison «de la libéralisation des moeurs sexuelles qui est presque devenue une religion en Europe et en Amérique du Nord», a dit hier en entrevue Mgr Louis Dicaire, évêque auxiliaire au diocèse de Saint-Jean-Longueuil.

Choisi par l'Assemblée des évêques du Québec pour commenter publiquement la plus récente controverse dans l'Église, Mgr Louis Dicaire dit que le pape a bien fait de rappeler que «le condom n'est effectivement pas une mesure sécuritaire à 100%» et qu'il peut effectivement «procurer un sentiment de fausse sécurité».

 

Le pape n'a pas erré, mais les journalistes, oui, en le citant hors contexte, selon Mgr Dicaire.

Dans l'avion qui le menait mardi vers le Cameroun, Benoît XVI a évoqué l'importance de respecter son propre corps et celui d'autrui, tout en évoquant la contribution de l'Église auprès des sidéens et l'importance «de souffrir avec ceux qui souffrent, de rester présents dans les situations d'épreuve». Et il a ajouté cette phrase: «On ne peut pas surmonter ce problème du sida uniquement avec des slogans publicitaires. Si on n'y met pas l'âme, si on n'aide pas les fricains, on ne peut pas résoudre ce fléau par la distribution de préservatifs: au contraire, le risque est d'augmenter le problème.»

«Le pape est un homme qui rappelle un idéal, relève Mgr Dicaire. Cet idéal est très élevé et il revient aux personnes de voir ce qu'il est possible de faire en regard de cet idéal.»

Bernard Keating, professeur de théologie à l'Université Laval, a au contraire été profondément choqué. Selon lui, le pape a erré, et beaucoup, en affirmant des choses sans s'appuyer sur des faits avérés, scientifiques.

«Quand on avance un jugement moral, particulièrement quand il a des implications aussi vitales que celles-ci, il faut s'appuyer sur une information juste.»

Selon M. Keating, cette affaire a cependant le mérite de démontrer qu'il se passe quelque chose de majeur dans l'Église. Dans cette Église où il y a normalement solidarité ministérielle, où les évêques ne se critiquent pas entre eux et critiquent encore moins le pape , des voix se sont élevées. Cette fois, comme dans la foulée de l'excommunication de la mère de la fillette violée au Brésil et des médecins qui l'ont avortée. «Il y a dans l'Église même une réaction très forte face au dogmatisme froid et un appel très vif pour nous ramener à la souffrance des personnes.»

En ce qui concerne précisément le condom, Benoît XVI n'est certes pas le premier à en condamner l'usage. Ce qui fait problème, cependant, c'est que Benoît XVI passe moins bien dans les médias, dit Gilles Routhier, professeur de théologie à l'Université Laval.

Il n'a pas compris qu'une seule phrase peut porter ombrage à tout un discours et, autre problème, il n'a pas la sensibilité manifeste d'un Jean-Paul II. «Benoît XVI, lui, est plus homme de principes et de considérations abstraites», dit M. Routhier.

Le danger, c'est que les croyants accordent de moins en moins de crédibilité à l'Église, une Église qui souffre du désaveu des gens à l'égard des grandes institutions, «qu'il s'agisse aussi de la police, de la justice ou des gouvernements».

Ce que rappelle cette dernière controverse, croit pour sa part Donald Tremblay, curé dans les Basses-Laurentides, «c'est l'importance de peser ses mots quand on veut véhiculer un message».

Ce que le pape a fait ou pas? «Je ne peux pas le critiquer», a-t-il simplement répondu.

Les évêques le peuvent-ils? Mgr Dicaire assure que des discussions très ouvertes peuvent se tenir, du moins aux cinq ans, quand les évêques vont à Rome pour rencontrer le pape.

La contraception pourrait-elle faire partie de futures discussions que l'Assemblée des évêques du Québec pourrait susciter à Rome? «Ce n'est pas dans l'air en ce moment précis, mais il n'est pas impossible que ça se fasse un jour», a dit Mgr Dicaire.